vendredi 30 mars 2012

Nox - Enigma

Nox... Ce sacré Nox...
Pour continuer sur la lancée des productions de chez FrozenWing, voici donc l'autre sortie de l'homme aux manettes derrière Thul Okgha.
Dans cette tape, on avait eu le droit à du bon gros ritual ambient, mais qui restait super original, avec guitares, chant en native language (so hipster) et tout le tralala. Bref, un petit chef d’œuvre.

Voici donc entre mes mains Enigma, la toute belle...
Avec un artwork vraiment cool et aguichant. Classifié Thriller Dark Ambient - bien que mon iTunes ait décidé que ce soit des Chansons pour enfant. Tout un programme. Mais un programme savamment pensé ; comme si c'était la B.O. du bouquin The Book With No Name !
En effet, c'est totalement dingue, tout comme l'histoire de ce livre (renseignez-vous et vous verrez) et totalement... cohérent.
Des accents indus qui côtoient un genre de synth-pop acide et torturée. Les claviers comme autant de fantômes autour de vous. Il faut dire que niveau immersion, ça a son petit effet. On ne peut nier le côté ambient recrudescent, qui fait de Enigma une plongée dans les abysses. Mais il est tout aussi difficile de classifier cette descente. Tiens, descente, c'est le bon mot.
Un peu comme après un trip qui finit mal. La tête tout près des enceintes, parce qu'il devient très difficile de se concentrer. Mal au crâne. Alors on monte le son, et on écoute ce qu'il y a. En vingt-cinq minutes, la playlist "éclectisme" nous a gratifiée de musique amérindienne, d'une soundtrack de la Neuvième Porte par Wojciech Kilar, et d'un black atmo' de bonne facture.
Mais les gens passent autour de moi, aucune idée d'où je suis, ni qui est cet homme, à côté. Je crois qu'il me regarde. Il est étrangement flou. Surement les verres de whisky qui montent...
Le hip-hop se mélange au Kilar et au gin, et je me sens partir. Le temps que mon cerveau traite les sons que j'entends, la chanson d'après arrive déjà. Tout se mélange. La silhouette se lève. Quelque chose de noir, long, atterrit sur ma tête. Je ne me souviens pas de grand chose, mais je sais que mon crâne me fait souffrir.
Et que ce mélange de musiques m'est resté dans la tête. Vraiment pas mal, ce patchwork d'angoisses.
Vraiment pas mal du tout.

Très beau mix de styles, où Nox les fait se fondre dans un univers groovy, flippant, magique.
Un travail d'orfèvre - pour qui apprécie le Dark Ambient.

On achète et écoute ici
Et puis jetez-vous dessus, entretuez-vous pour chopper ce petit bijou, c'est la moindre des choses.

mardi 27 mars 2012

Roseland - Au mont des soupirs


Il est vrai qu'en voyant Roseland, on peut très rapidement se dire "mais qu'est-ce que c'est que ce machin édulcoré, encore ?"
Il est vrai qu'en voyant la cover on pourrait être rebuté. Mais en s'acharnant un peu il arrive parfois de belles choses...
Au mont des soupirs en fait partie.
L'album est en fait composé à 90% à base de piano. Un piano mélancolique, innocent. Les mélodies se transforment en ritournelles. C'est tout simple, tout bête. Et pourtant... pourtant il faut bien dire que ça marche.
A ma première écoute, j'ai vraiment été rebuté par plusieurs choses. Tout d'abord le son. Les instruments sont trop passés à la moulinette d'effets en tous genre : reverb, echo... Ce qui fait que par moment ça ne sonne pas naturel du tout, surtout pour du néoclassique. Tout comme les instruments à vent sur "Maladives". On se croirait presque dans un film télévisé à petit budget. Le mix n'est pas non plus terrible, et du coup avec la cover on se dit "Olah, Roseland! Ce que c'est cul-cul!".
Je dirais simplement que si vous, auditeurs, en arrivez à penser ça, alors c'est que vous êtes réellement passé à côté de quelque chose. Je parlais de s'acharner tout à l'heure. Eh bien il ne m'aura fallu qu'une deuxième écoute pour comprendre que Roseland ne cherche pas à sonner naturel. Il ne cherche pas à avoir un son pur et cristallin. Roseland livre une œuvre somme toute très onirique. Vous me direz qu'onirique lorsque l'on parle d'ambient, c'est souvent un pléonasme. Certes. Mais je crois que jamais je ne me suis senti revenir en enfance pareillement. J'ai perdu d'un coup les repères du temps, et je me suis vu, jeune. Découvrant la musique. Écoutant chaque son autour de moi. Des sons qui venaient de partout, pas toujours organisés, pas toujours parfaits. Et c'est ici que réside la magie de Roseland ! Faire de quelque chose qui est loin d'être parfait un disque superbe. Pas de mix par Plotkin, pas de post-post-punk, même pas une vrai batterie. Non non. Roseland joue sur la force des compositions. Des airs qui reviennent sans cesse au fil de l'album. On reste tout au long de l'écoute dans le même univers. Les mélodies enchanteresses qui viennent, et repartent. Nul besoin d'un piano à queue pour éveiller des souvenirs déchirants. Seulement besoin de sensibilité. Et je peux vous l'affirmer, de la sensibilité, Roseland en a.

J'ai vraiment été touché, bien que plutôt sceptique au départ. Les écoutes m'ont fait revenir sur mon jugement. Je vous incite à en faire autant... car le jeu en vaut la chandelle.

C'est uniquement chez l'ami FrozenWing !
Et on écoute un peu ici

samedi 17 mars 2012

Botanist - I: The Suicide Tree / II: A Rose from the Dead

 On se souvient des déboires de Christs Nails dans les années '90. Mélange audacieux - si ce n'est prétentieux - de piano et de black metal. Cette voix criée, possédée, maladive accompagnée d'un instrument si voluptueux ("c'est fastueux, c'est fastueux!"), ma foi le résultat était fort étrange. Et fort peu convaincant.
On se souvient, car ça ne fait pas trop longtemps, des délires mystiques d'Occulto Mortualia. Ambiance étouffante, cette fois avec un genre de guitare sèche, mais toujours cette voix black en décalage. Ici encore, étrangeté, mais dans les grandes lignes... ratage.

Cette difficulté à capter l'essence du Black Metal pour la transposer dans une approche originale, plus d'un s'y est confronté. Plus d'un a raté.

Botanist est un one-man-band, de Black Metal - you guessed it - qui utilise au lieu des guitares et basses d'usage, différents instruments aux sonorités déroutantes. Comme... le Hammered Dulcimer. Oui oui, cet instrument étrange à cordes frappées, savant mélange de piano et de harpe. Du black metal ne reste que la voix et la batterie. Et l'ambiance infernale !
Aucun repos. Entre les vocaux shamaniques (Rhododendoom), les blasts sévèrement burnés (Gorechid) et le "piano" dément (Quercus Lamellosa), l'ennui est totalement impossible. Il faut dire que l'oreille est captivée par les sonorités totalement barrées qui se dégagent de l'album. Ma triste oreille européenne a pratiquement été choquée par ce son tout droit sorti du folklore le plus malsain et délirant que l'on puisse imaginer. Un rite de passage indien qui vire au bad trip dans Pandemonium!
Un approche très rituelle, proche de la nature - comme vous l'avez vu avec la cover et le nom des titres. Un hymne aux fleures fanées, aux plantes rampantes. Elles, qui d'un rien renaissent, couvrant béton, déserts et abysses. Leur beauté feinte, car emplies de suc venimeux. Leurs couleurs aguichantes et leur aptitude à attendrir. La plante : pratiquement synonyme de fragilité et de vanité. Mais n'est-ce pas elle qui, cruelle, recouvre ce qui l'entoure ? Ce baobab qui vous enveloppe de son bois mou, ces fougères qui vous blessent de leur feuillages de verre, ces rosiers, si beaux mais si piquants. La Nature est sans pitié, quelle que soit son apparence. Botanist, c'est cette personne qui collectionne, note, observe et reproduit la magnifique cruauté végétale. Une violence feutrée, un goût amer de sève dans la bouche. Le venin prend racines. Il se répand.

Superbe renouveau dans le monde Black Metal, The Suicide Tree et son jumeau A Rose From The Dead s'inscrivent assez bien dans la lignée vegan - weird qu'avait pris Book Of Sand (je vous revoie à ma chronique) tout en ayant une singularité pour le moins déstabilisante. Le genre de son que l'on reconnaît instantanément.
Et là où beaucoup échouèrent, Botanist s'en sort avec maestria. Véritable bonzaï sonore, bondage auditif à coup de lianes, sans jamais renier le black metal sauvage et indomptable, assaillant vos oreilles. Morceaux courts, tranchants, piquants comme autant de guêpes devenues folles.
Plus qu'une expérience musicale, c'est un véritable chef d’œuvre. Reste à savoir si vos oreilles y sont prêtes...

Pour acheter le magnifique double-LP
Une fois de plus, je vous invite (si si, j'insiste) à l'écoute

jeudi 15 mars 2012

Hanetration - Tenth Oar

Hanetration n'était pas ma priorité quant aux chroniques. Je dois bien reconnaître que je l'avais même mis en bas de ma to-do-list (les démos affluent!). Mais je n'ai pas résisté, et j'ai posé une oreille dessus, histoire de voir ce qu'était réellement ce petit EP. Et me voilà. Je n'ai pas résisté...
Tenth Oar, c'est du glitch, du collage sonore, de l'ambient. Vous avez lancé de la musique pour radiateur et un petit Chopin en même temps, sans faire attention. Mais là, sans crier gare, l'ordinateur plante. Le son se met à déconner sévère. Au lieu d'une belle pièce de piano, c'est la même note qui se répète inlassablement. Derrière, votre musique à radiateur s'emballe, elle loop à fond les ballons. Allez savoir pourquoi, votre cerveau plante aussi. Vous passez en automatique. Le petit groupe qui joue dans le metro semble à l'arrêt. Le bruit des escalators est plus fort que la cornemuse du type du milieu. Les yeux dans le vague. Et toujours ces glitch.
Puis vient la nuit, sans crier gare. Marchant seul au milieu de l'autoroute, à l'entrée de la ville. Les lumières bleues, et rouges qui forment des fils incandescents. Les lampadaires, et leur lumière jaune-floue. Le bruit des pas, des bombes de tag. Le bruit des murs qui crépitent, celui des voitures qui passent en coup de vent. Toujours les yeux dans le bleu azur de l'horizon. A peine assombri par la tonne de carbone rejeté par les voitures. Tout est gris, sauf leurs phares. Mais déjà, tout est noir. La petite mélodie s'enfuie. Je crois m'être endormi sur l'autoroute, après que le semi-remorque m'ait percuté.

Élégant mix d'éléctro, de field-recording et de drone ambient, Tenth Oar ("la 10e rame") transporte l'auditeur dans un décor à la fois onirique et urbain. Les banlieues de Londres, ou l'entrée de Paris, quoi qu'il en soit, c'est une musique nocturne. Les instruments sont retouchés, noyés dans un océan de petits bruits fins, d'ambiances sibyllines et de bruissements secs à la Alva Noto - seulement pour ces petits bruits, entendons-nous bien, comme ceux sur Rufus.
Plus le EP avance (et il avance vite!), plus on s'enfonce dans ses pensées, plus on est tenté de se pencher au balcon, de fixer ses yeux sur une façade d'immeuble et de se griller une cigarette. Ode à la marche dans les rues, à 4h du matin. Tout le monde dort, mais nous, on écoute Hanetration.
On pense rapidement à Burial pour ce côté gris et pluvieux. Sans compter les similitudes dans les sons. D'ailleurs, même si les deux groupes sont bien loin l'un de l'autre, il s'en dégage bien la même odeur : celle de la vapeur de CO2.

Très bon début pour Hanetration. En espérant qu'une petite tape, ou pourquoi pas un CD verra le jour sous peu ! En attendant je vous invite à l'écoute :


Pour vous, âmes perdues.

Christina Vantzou - Nº1



Christina Vantzou mérite une chronique. Que dis-je, elle mérite un article. Et encore c'est bien peu... elle mérite votre écoute. Votre attention la plus grande.
Sorti chez Kranky au même moment que A Winged Victory For The Sullen, N°1 est resté dans l'ombre...
Vantzou, c'est aussi "la moitié" de The Dead Texan. Duo avec Adam Wiltzie. Mais Vantzou, c'est surtout celle qui a su faire une perle restée muette, forcée à rester derrière le colosse d'AWVFTS. Il est vrai que ce duo est excellentissime, mais il est tout aussi vrai que ce N°1 mérite une réelle reconnaissance.

A la fois ambient minimaliste et relève néoclassique, l'album nous porte, comme le vent le ferait d'une jeune feuille tombée de son arbre. Violons, piano, nappes discrètes et éthérées... Un mélange certes classique, mais utilisé à merveille. Le résultat me fait assez penser à Listening Mirror, sachant allier sobriété et magie. Nul besoin de compositions complexes, mais seulement d'une dose de paix intérieur... Je ne suis pas expert en instruments, mais j'ai cru reconnaitre du hautbois, et des guitares lointaines (e-bowed peut-être...). Et c'est bien ce qui fait la patte de Christina Vantzou. On touche clairement à du néoclassique, en ce sens où l'album pique par-ci par-là à divers genres, mais aussi et surtout car il se voit agrémenté de sonorités originales. On ne se limite pas aux nappes à la Irezumi. Les sons sont variés, clairs, et il faut le dire : beaux. On croirait par moments une symphonie ralentie à l'extrême... Sublime.

Mais non contente de livrer un album pratiquement sans fautes (il est un chouilla trop long!), nous voici gâtés, avec un second album de remixes. On a du Koen Holtkamp, du Dustin O'Halloran, du Isan, ou encore Montgomery Knott. Autant d'artistes auxquels il faut s’intéresser...
Bien que je ne sois pas friand de remix', j'ai tout de même plutôt apprécié le travail de certains artistes - Knott, ou Isan m'ont tout bonnement transportés!
Mais d'autres, tels White Rainbow ou Loscil m'ont simplement laissés totalement de marbre.. Peut-être un peu trop de remixes, du coup. Dommage de noyer certains très beaux titres parmi quelques ratages! Mais globalement, le disque reste excellent, et presque aussi indispensable que le N°1.

Et en plus de ça, C.Vantzou nous livre un film de 47min. Et alors là, je ne peux que dire un immense bravo. C'est magnifique, montage léché, image parfaite et originale... Un souffle d'air frais. Intimiste, et au sentiment de liberté si puissant ! Certains passages sont tout simplement estomaquant de beauté, mais je vous laisse découvrir. Je n'ai moi-même pas eu la chance de l'avoir en entier... Mais ce que j'en ai vu est époustouflant.

Triple réussite, donc. Comme quoi la simplicité fait parfois des miracles.

Courez acheter ce bijou, ça se trouve partout!
Écoutez ici

Trailer qui donne l'eau à la bouche...

mercredi 14 mars 2012

Luperci - Jahator


Joseph Angelo - aka Luperci - nous offre depuis quelques années des sorties plus belles les unes que les autres. Que ce soit en LP, CDr ou cassettes, les artworks sont toujours magnifiquement travaillés, et les formats très limités...
Nous voilà donc présents après un Featherspines Autumn, joli best-of, pour ce full-lenght de plus d'une heure.
Au programme : du sitar.
Mais J.Angelo transforme véritablement l'instrument en outil de Drone. La "heavy sitar", comme le dit experimedia, est mélangée à de la noise distante, jamais trop dure, mais tout de même immersive à souhaits! Jahator relève de la méditation en field-recording. Sunn 0))) qui jouerait le White2 un jour d'éclipse. Les vautours rôdant en quête de chaire - plus ou moins fraiche. On passe en fait du drone, à l'ambient noise en cheminant à travers un genre de doom au sitar indien. Il fallait oser. Le tout reste lent, mais mélodique. Et surtout, la plus grande part du travail réside dans la recherche des vibrations. Elles s’interpénètrent, se mélangent et se transforment au fil de l'écoute.
C'est simplement une expérience hors du monde, hors du temps. Le corps qui résonne. L'esprit qui s'attache aux échos. Les yeux qui se brouillent. Les cloches qui tintent au loin. Pourquoi opposer une résistance ?
Pourquoi écrire sur cette pièce, car je ne ferais, je pense, que rabaisser le travail magistral de Luperci. Une œuvre réellement digne des productions de Catherine Christer Hennix, comme The Electric Harpsichord.
On touche, on esquisse ce que peut être la pureté. On comprend que les millions d'années pour arriver à l'homme moderne n'ont pas été totalement vains. Il en ressort une magie, au milieu de la fange. Une puissance lumineuse, radieuse. On aime à se dire qu'elle est en chacun de nous. Je ne saurais l'affirmer. Une chose est sure, elle est ici, omniprésente. Dans la musique de Luperci. Du début à la fin. Assourdissante de béatitude.

A noter : l'écoute en semi-sommeil est recommandée. Même si vous ne tiendrez peut-être pas l'heure entière, les images qui viennent en tête à ces moments sont inoubliables.

Écouter
Acheter (je ne suis pas sûr qu'il en reste)

samedi 10 mars 2012

Jefre Cantu-Ledesma - Love is a Stream

Ah, la scène Ambient. On y trouve de tout. Tant des choses atrocement sombres que des bijoux de volupté.
Cantu-Ledesma fait partie de la seconde catégorie. Artiste actif - et même très actif! - dans l'univers noise  / drone, il est notamment l'homme derrière The Holy See, ou encore Tarentel. Mais Love is a Stream est un disque qu'il est seul à chérir. Né en 2010 de son projet solo, il ne passe qu'aujourd'hui entre mes oreilles...

Cantu-Ledesma officie dans ce que l'on pourrait appeler de la "white noise". Tous deux portant pourtant pratiquement le même étendard, nous sommes très loin d'un Harsh Noise Wall - voir à l'opposé. Le bruit est lumineux, contemplatif. Long, aucune conscience du temps qui passe. Peut-être effectivement de l'amour, au loin... ou un nuage électrique. Atrocement éthéré, innocent. Il est même naïf. Oui, c'est avec toute sa naïveté que Love Is A Stream va vous toucher. Il ne nie pas la folie du monde extérieur. Non. Il se contente de vous pousser avec délicatesse et de vous laisser vous nicher dans son cocon. Cotton-gaze, Ambient-drone, ce que vous voulez, mais le mot anglais pour décrire ce disque est bliss.

Le son qui craque et qui vrombis à la Loveliescrushing, et l'insouciance d'un Szczepanik. Allier la légèreté à la distorsion n'est pas toujours chose aisée. Mais malgré le fait que l'album soit très - mais alors très - linéaire, on ne s'embête pas trop. En réalité on se surprend à rêver, à errer dans ses pensées les plus... belles. Le monde se noie simplement dans la lumière. Rien de plus ; rien de moins.
Prenez une photo d'une plage, grise, pluvieuse. Et augmentez la luminosité sous Photoshop, progressivement. Tout s'efface jusqu'à devenir absolument opalin.
Il est difficile de juger ce petit ersatz de paradis. Trop simple ? Trop léger ? Ou coup de maître qui nous porte avec une aisance déconcertante dans son monde lactescent... Impossible de le dire. Si vous aimez Szczepanik, alors il y a de grandes chances pour que vous adoriez ce Love is a Stream.

A noter : je vous conseille, si vous appréciez le Doom, de tenter Jodis et son Secret House, qui me fait éprouver les mêmes sentiments, ou presque, pour un style radicalement opposé.

Listen here - Jefre Cantu-Ledesma - Love Is A Stream
Buy there - Type Records

mercredi 7 mars 2012

Silcharde - De Martyrs À Bourreaux

Silcharde, c'est un peu l'archétype du moment que vous n'avez pas envie de passer. C'est glauque, c'est urbain. Le métro, les égouts, les rats, la peste. •[rec] Les hangars, le CO2. Le gaz.
Des cris, malades. La trotteuse tourne... tourne.. la petite trotteuse... tourne... AAAAAH!
Le cri glaçant. Il s'est perdu dans le brouhaha des turbines.
Et eux, en bas, à pourrir. A moisir dans leurs geôles. Les membres rongés par les insectes. Injection.
Létale.
La pale au dessus de moi... les giclées de sang. "Maman ?..."
Pourquoi tu es... pourquoi... la pale accélère. Il trempe ses mains dans l'eau. Noire. Elle, crucifiée au mur.
Tout se calme. Tout se noie. Il n'y a que la pale. Au dessus. Elle tourne. Elle tourne. Quelques chose claque. Les bottes. Le masque à gaz!
Il me tient par le col. La table. Les os. Ma tête cogne contre la pierre. Froide. La colonne descend. Droite. Rapide.
Le bruit des chaires qui se déchirent... Les sangles. La scie à métaux. La lame. Le bras. Quelques gouttes.
Assourdissantes. Une phalange. Tout se calme. Sur la chaise, assis. Le temps se hache. Plus de secondes, plus de minutes. La trotteuse se fige. AAAAAAAAAH.
Le bruit reprend. Soudainement. Dans le sens de la longueur. L'hémoglobine. Le sol. Brun.
C'est comme pour tout. On y prend goût. La scie repart. On se surprend à aimer. Le moteur. Aucune idée d'où il se trouve. Les yeux. Au dessus du visage. Fixer. Rouges carmin. Pétillants. Indomptables.

Scandé. Avec calme, et psychose. Et cette pale, toujours cette pale, qui tourne de plus en plus vite ! Qui captive mon regard, et hypnotise mes oreilles. Insidieusement. J'entends. On parle. On rugit. Mon cortex enregistre tout ça. Mais consciemment je n'entends que les pales. La roue. Le reste s'efface dans un nuage vaporeux.
Une alarme. C'est peut-être un train. Je ne sais pas... impossible... non. Des pas. Non. Non!
Elle pleure!
Laissez-la !
Non!
Les larmes résonnent dans mon crâne comme dans un palais de cristal. Elles y coulent, lentement. Dehors. Le charnier. L'apothéose. Le ciel. Les étoiles. Le chant des sphères... le chant des sphères qui martèle encore sur mon corps désossé. Vidé. Inanimé.
La scie. La scie.
Assis, à regarder la trotteuse. Je crois qu'ils crient. Je vais voir. La scie en main. Les faire taire. La seule manière de toucher au divin. La bombonne de zyklon est vide. Ce sera la scie. •[rec]

Magistral. Effrayant. Pratiquement le field-recording d'une chambre de torture... vous êtes dans la peau de la victime. Amusez-vous bien.
(les 14min de l'atroce chanson De Martyrs à Boureaux)
De Martyrs à Bourreaux

mardi 6 mars 2012

HEXVVII - I

Lorsque Déchire-moi et Noeru se mettent en tête de faire de la musique ensemble, forcément, il fallait que ça rende quelque chose de fou et de sombrement dérangé. Et le petit être étrange rampant à grand peine sur ses quatre pattes se nomme HEXVVII.

 

Tout d'abord, deux faces, dix minutes chacune. On se dit que, vu la tête du projet, si la tape ne dure pas vingt minutes, c'est qu'il y a anguille sous roche.

Et effectivement. On navigue dans un dark ambient dépouillé, d'outre-tombe, serpentant parmi le Qliphoth. Mais pas que. Le travail ne s'arrête pas à quelques sons glauques et une voix distordue. On a au contraire affaire à une sacré méthode de composition qui va chercher un peu à droite à gauche, comme celle d'Ultra, par exemple.

Le délire malsain, pratiquement érotique - mais mortel, ne vous y trompez pas - prend son ampleur. Plus le temps avance, plus on se sent emplit des sons, des idées, du venin d'HEXVVII. Un venin qui paralyse, qui anesthésie. Insidieux.

 

Le seul groupe que ce projet me rappelle, c'est The Sodality. Groupe... italien, justement! (comprendront ceux qui le pourront)

C'est profond, très ritualiste. Ritualiste avec la trempe de la scène indus. Mais pas besoin de ramener ça à quelque chose d'autre, l'atmosphère dégagée par cette tape en dit bien assez. Une aura bien noire en émane...

Comme dirait Toxik H. : "Je t'assure que la vase et l'extase ne font qu'un."

 

Autant la première face est angoissante, autant la deuxième déclencherait chez l'auditeur une crise de claustrophobie que je n'en serais pas étonné. Très simple, très linéaire. Un loop en arrière-plan. Du bruit. Un souffle. Le rituel s'accomplit. Et autour se métamorphose le réel. Les murs deviennent cendres. Le ciel s'écroule, s'écrase, dans une lenteur extrême. Tout s'assombrit, une fois de plus. Plus noir que noir. Du silence assourdissant se forme une litanie murmurée. Je ne veux pas savoir ce que c'est. Je ne veux plus. Pas encore. Pas encore!!

Une flamme brûle au plus profond de mon corps. Une flamme noire qui pourtant perce la nuit. L'étoile du Matin se lève. Décharnée. Elle me lacère. Elle enfonce ses griffes brûlantes, et retire ma peau avec un malin plaisir. J'en redemanderais si je pouvais parler, mais déjà, je ne suis plus qu'un souvenir, stocké sur une vieille cassette. Abandonnée. Abîmée. Je ne veux plus. Et j'en veux encore.

 

Suis-je le jouet de ce rituel ?...

 




On achète ici en pré-commande. Attention, ltd. à 25!

Je vous conseille par ailleurs de visiter le magnifique site de Déchire-moi ! Photos dérangées et osées.
Ainsi que d'écouter un peu le projet de Noeru - aka Camisole - ici

dimanche 4 mars 2012

Dark Ages - The Tractatus De Hereticis Et Sortilegiis

Dark Ages est un peu le groupe incontournable du dark ambient. Son leader, Roman Saenko - entre autres l'homme derrière Drudkh - nous a gâté de deux disques. Gâté, car Twilight Of Europe et A Chronicle of the Plague sont simplement des bijoux du genre. Mystiques, sombres et totalement dans l'ambiance du XIVe siècle, époque où frappa la pandémie de la peste noire, les disques furent durs, profonds, et mortifères. Le sujet principal de Dark Ages étant justement cette infecte maladie qui fit vingt-cinq millions de morts, ainsi que la magie noire. En résumé, une ambiance imprégnée d’œuvres comme Le Nom de la Rose (Annaud), ou encore Det sjunde inseglet (Bergman).
C'est donc en juin dernier que Saenko fait sa nouvelle offrande, The Tractatus De Hereticis Et Sortilegiis.
Le "Traité de l'hérésie et de la sorcellerie".
L'univers ne change pas, toujours des claviers lents, profonds, ancrés dans un style d'orgue gothique. On se surprendrait à y trouver du Boëllmann ! Agrémenté de chants grégoriens de toute beauté, le disque est abyssal, noir et angoissant. Mais on regrette la pesanteur de A Chronicle of the Plague, période où la musique de Saenko nous faisait pratiquement sentir les cadavres en décomposition. Mais il faut reconnaître que c'est agréable et bien mené. Un petit voyage parmi les moines illuminés, l'inquisition, et, on l'imagine bien, quelques études occultes du Malleus Malleficarum.
L’œuvre est en fait très cinématographique. Rien que le livret nous le montre ostensiblement, avec des images tirées du Häxan de Christensen. Mais la musique n'est pas non plus sans rappeler l'atmosphère du film Black Death ("Peste Noire", justement), traitant de manière épique cette période sombre de l'humanité.
Chose qui m'a beaucoup plu, c'est la petite introduction à chaque morceau. Un petit bout de chant grégorien avant d'attaquer la froideur des claviers.
Dark Ages n'a pas changé de son, pas changé d'idée, pas changé de but. Il ne veut pas affecter, mais infecter.
Voilà pour les bons côtés.

Mais on le sait, depuis quelques temps, Saenko fatigue. Entre la bouse Old Silver Key et les derniers Drudkh, lamentables, on sent que le bonhomme fatigue. Et à vrai dire, ça transparait aussi dans ce Tractatus.
Dark Ages ne nous avait jamais déçu, mais il faut une première fois à tout. En fait même le son a perdu de son ardeur. Avant, le clavier était assumé. Reverb', petites excursions limites psychédéliques (Dreams in yellow)... Mais dans cette nouvelle offrande, le délire part trop en "religieux". Et c'est un terrain glissant. Le synthé veut se la jouer orgue, mais il n'en a pas les anches. L'album se voudrait être un équilibre entre la contemplation de la toute-beauté de la religion et de ses côtés sombres. Mais où est passé le "Birth Of The Antichrist" d'antan ?! Il faut laisser la dualité occultisme/religion aux compères de Funeral Mist, qui font ça beaucoup mieux dans leur genre.
Par ailleurs, malgré le fait que l'album soit relativement court (une quarantaine de minutes), on s'embête. On s'ennuie, même. Répéter des loops pendant quatre minutes, c'est bien joli, mais le loop a intérêt à être assez conséquent. Ce qui n'est pas le cas.

Pas assez noir, pas assez plombant, pas assez inspiré. Ce nouveau Dark Ages a des côtés sympathiques, mais mieux vaut regarder les films cités dans cette chronique. Le moment sera meilleur, vous en apprendrez plus, et peut-être même que la musique y est plus belle.
Dommage... Espérons que Saenko se reprenne vite. En attendant, recueillons-nous.


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samedi 3 mars 2012

Planning for burial - Leaving

Il est certains groupes qui semblent si classiques lorsqu'on les voit qu'au final, lors de l'écoute on part déjà avec un préjugé. Voir même on ne se concentre pas sur l'écoute, et c'est là pour faire "bouche-trou" entre deux autres skeuds. Je dois bien avouer que quand je suis tombé sur Planning for Burial, et que j'ai vu la pochette ainsi que la description "shoegaze/noise", je me suis dit : "tiens, encore une copie de plus du Loveless".
Et quelle ne fut pas ma surprise.

Ce Leaving est un genre de quintessence des blessures du cœur. Envie d'isolement, de pouvoir être soi, de se détacher. S'extasier sur chaque flocon et chaque fleur de cerisier. L'album fait ressurgir en nous en quelques minutes tous ces sentiments, qu'ils soient brûlants ou amers. S'échapper les voix de l'âme et les cris de nos yeux. Une mélancolie béate ("bliss" comme diraient nos amis anglo-saxons!) nous immerge, une fois Wearing Sadness and Regret Upon Our Faces lancée, il est difficile, très difficile d'en sortir. Eh oui, ce n'est que la première chanson.
Aucune pitié de ce côté-ci. Planning for Burial fait de la musique touchante, point à la ligne.

Mais, vous allez me rétorquer "ahh blabla (...) mais le shoegaze c'est fait pour être touchant, blablabla, alors il a quoi de spécial, cet album, hein ? C'est pas un argument ce que tu nous dis là."
Alors tout d'abord, je crois qu'en matière de rock noisy / shoegaze, je n'ai pas été ému à ce point depuis le Loveless, et je souligne le titre parce que c'est pour moi l'incarnation du rock original, triste et agréable. On croirait s'être pris un semi-remorque de plein fouet, et n'entendre que quelques sons suite à cela. Tout d'abord, donc, ce Planning For Burial n'est pas une pâle copie de MBV. Puis, il est tout aussi touchant, chose qui dans cette scène, n'est pas arrivé depuis longtemps.
Mais ensuite, PFB a sa propre touche perso. Et pas qu'un peu!
On pense régulièrement aux Swirlies et leurs délires noise, mais le groupe a su mélanger avec une pertinence hors du commun les guitares saturées pour rendre une musique flottante et les guitares clean, aux cordes claquantes, qui nous sorts des arpégés magnifiques. Aaaah, si Erik Satie avait joué du shoegaze, le résultat ressemblerait pas mal à ça, m'est avis.
Autre petite anecdote, le son lourd et fuzzy de la guitare saturée - et par moments l'intonation de la voix - me fait beaucoup penser aux maîtres de Type O Negative.
On ajoute à cela une touche de post-rock et de drone, dans le genre "guitare jouée à l'archet", et voilà.
Vraiment, que dire, si ce n'est que c'est absolument sublime, composé avec une très grande attention, et mixé d'une manière telle qu'aucun instrument ne se voit mangé par un autre. Il y a profusion de sons, toujours quelque chose à découvrir, toujours un nouveau petit truc sur lequel s'extasier ! Et tout cela, c'est sans compter les titres des chansons, eux aussi plutôt bien trouvés ("We Left Our Bodies with the Earth"), et l'artwork... ah, je me répète, mais magnifique, simplement.
La seule chose que l'on puisse regretter ici, c'est que l'album ne dure pas éternellement. Et le son, un tout petit peu trop Metal par moments. On aurait préféré qu'il insiste sur le côté Sludge. Mais... c'est fantastique.
Je finirai par une citation en relation avec la cover et l'univers décrit, citation d'un homme qui connait la force des mots, et qui sait les manier bien mieux que je ne le ferai.
"La mélancolie ? C'est se faire enterrer vivant dans l'agonie d'une rose." (E.M. Ciroan)

Enemies List n'en a plus, et personne n'en a. Surveillez ici
Pour écouter, je vous envoie donc chez SirensSound

The Beast Of The Apocalypse - Henosis

Majestueux !
Ah, certainement pas.
The Beast Of The Apocalypse, c'est un gros melting-pot des groupes occultes et violents de la scène Black et Death. Teitanblood, Mayhem, Mitochondrion, De Magia Veterum... Ils ne sont pas loin.
Le petit groupe qui a déjà deux albums à son actif, et qui n'a en fait pas fait trop de bruit à l'époque - avec un nom pareil, je dirais presque que c'est normal - débaroule sur le tapis avec une idée en tête : tabasser de l'auditeur.


La "Bête de l'Apocalypse", pour les incvltes, c'est en fait la Bête du livre des Revelations, et il s'avère qu'il n'y a pas une, mais deux bêtes. En gros, la première sort des abysses des océans, et la seconde des profondeurs de la terre. Cette dernière ordonne aux hommes de vouer un culte à la bête des mers, et serait en fait considérée comme l'Antechrist. Placée à côté d'un dragon, elles sont en opposition avec Dieu, et seront vaincues, plongées dans un lac de feu. Voilà la petite histoire des bestioles de l'Apocalypse, d'où TBOA tire donc son nom. De cette triade infernale. Mais le groupe saura-t-il rivaliser avec la puissance des écrits bibliques ? C'est bien beau, de tout retourner, mais même agnostique que je suis, il est vrai que je trouve ça parfois trop simple.


He bien cet Henosis allie vraiment l'occulte des profondeurs avec la patte bien crade des albums de Black 90's. Mais en flou - vive la prod' DIY. C'est bestial, complètement infâme et cauchemardesque, ça rampe à la manière d'un Leviathan et ça a la trempe ésotérique d'un DsO, nom de Dieu! TBOA n'en a pas grand chose à faire, au final, de ces délires bibliques, et se contente de nous violer littéralement les oreilles avec sa lourdeur dignes des grands jours du Death/Black.
C'est extrêmement pesant (Yaldabaoth en est un parfait exemple), pratiquement groovy et tellement brouillon qu'on se surprend à entendre des instruments qui en fait ne sont pas là du tout.

Mais pour parler franchement, les Néerlandais ne savent pas très bien ce qu'ils font avec leur son. C'est assez tentaculaire pour bien faire flipper, calé au poil, totalement chaotique, mais trop sale pour en profiter. Un truc carré comme ça, et qui aspire à happer l'auditeur dans sa violence, se doit d'une production fine, et d'un mix tout de même. Ce qui est très loin d'être le cas. 
On a plutôt affaire à un genre de Antediluvian, le côté Old-school remplacé par des riffs qui partent rapidement en délire.


En réalité, là où Dodecahedron (anachronisme!) a récemment fait un album assez magistral, très black, très lourd, mais très propre et finalement assez prog', TBOA nous donne la puissance, cherchant un résultat similaire, sans toutefois tellement de contenu ni d'idée "nouvelle". Dommage, car on sent qu'avec un peu de recherche, et une prod mieux foutue, il y aurait un grand potentiel.


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jeudi 1 mars 2012

Giles Corey - Giles Corey

Aujourd'hui vous avez gagné un cours d'histoire. Car Giles Corey est l'une, si ce n'est LA victime la plus connue du Procès des sorcières de Salem. Incarcéré sans aucune raison valable, si ce n'est celle d'avoir copiné avec le grand Cornu, notre petit fermier refuse donc de plaider coupable, malgré la pression qui lui est infligée - accusation de sorcellerie, de meurtre, de satanisme...
Une histoire sans queue ni tête, qui se termine par une mort tout aussi étrange qu'on appelle la peine "forte et dure". Une petite gâterie consistant à écraser le corps de la victime jusqu'à ce que mort s'en suive par accumulation de pierres sur ce dernier. Corey mit trois jours à mourir, et sa femme se pendra juste après après.
Dan Barrett dans cet album s'inspire de cette nostalgie, de cet absurde digne de Ionesco. Funeral Folk serait le mot s'il fallait définir ceci.

L'atmosphère commence plombée, piano un chouilla désaccordé et voix entremêlées dans une litanie des ombres que n'aurait pas rechigné Hexentanz. Et tout au long du disque, c'est dépouillé, minimaliste. Le son est consciemment vieilli, agrémenté de samples étranges, d'orgue, de percussions rituelles... mais aussi de folk douce, aérienne et posée. Ce Giles Corey est vraiment un voyage à l'intérieur de l'âme, où les retournements d'humeur sont de mise. Je ne peux pas m'empêcher de penser à du Doom, voir du Funeral Doom à la Colosseum. Étrange car ça n'a rien à voir dans le style, mais cette beauté, cette tristesse... Ce chant offert aux émotions négatives, avec tant de calme. On pense l'album fragile, voir simple à première vue, mais c'est un géant implacable qui se rue sur notre cœur pour l'ajouter à ses trophées. Toute cette solitude, toute cette détresse, et en un premier jet. Car c'est bien le premier album de Corey que l'on a entre les mains.
C'est beau à en pleurer, et rien que les paroles ont un don pour accrocher les sentiments dans leurs barbelés.
"I want to feel like I feel when I'm asleep.."
Petit anachronisme, mais il est en un sens assez proche du Ἀποκάλυψις de Chelsea Wolfe, devenue maintenant référence dans la folk lo-fi.

On navigue dans un misérabilisme ténébreux entre folk et ambient. Et en réalité ce qui le distingue de la scène lo-fi, c'est bien cette atmosphère, onirique, et à fleur de peau. Et nous, pauvres auditeurs, nous donnons en esclaves à ses hymnes tragiques. L'Antigone de Sophocle passerait presque pour un Happy-end hollywoodien, tant le disque parvient à être touchant dans sa sobriété. C'est irrépressible, on est happé dans la colère rentrée de la batterie en arrière-plan, et hypnotisé par le chant si vulnérable de Barrett. De ce côté c'est à Rivulets que je pense, avec un entrain tout à fait magique et désenchanté.
Mais ce Giles Corey a le bon ton de ne jamais tomber dans les gémissements. On ne se morfond pas, on se perd, on s'oublie, on s’efface face à la fatalité - peut-être l'une des dernières choses que nous partageons tous.

Étrange que de dire cela, mais paradoxalement, cette petite offrande fait un bien fou. Certes déchirant ("Ce qui n'est pas déchirant est superflu, en musique tout au moins." Cioran), cela n'en est pas moins apaisant. On se sent immergé, entouré et bercé par ce flot de beauté dans toute sa simplicité, cette magie qu'un enfant de cinq ans trouve en regardant les nuages. Au fond de ce puits de douleur sans fond, Corey esquisse un sourire. Ce n'est pas un appel au désespoir. C'est un appel au rêve.

Listen, buy, worship, die

 Mastering par James Plotkin, dudes.