mercredi 30 mai 2012

Perinde ac Cadaver - Exercitia Spiritualia

Perinde ac cadaver :  "A la manière du cadavre", idéal ascétique d'obéissance parfaite et aveugle afin d'accomplir la volonté divine.

A vrai dire, Perinde ac Cadaver m'a instantanément aguiché par sa description, je cite : "Astral Electronic Death Ambient".
Je n'aurais pas trouvé meilleure formule.

Exercitial Spiritualia est, avant d'être une pièce musicale, un traité d'Ignace de Loyola - saint du XVIe siècle fondateur des jésuites et homme d'introspection.
Ces "Exercices Spirituels" consistent en un fatras de prières, de méditations et d'exercices spirituels qui donnèrent naissance à ce que l'on appelle avec justesse la "spiritualité ignacienne", personnalisation de la relation avec Dieu.
Par ailleurs, il est un fait notable à retenir de ce livre : il est fait pour ne pas être lu. St.Ignace l'écrit afin qu'ultérieurement, d'autres le continuent, et y mettent leurs propres exercices, leurs propres visions. C'est un livre qui se vit, et qui se meut dans le temps - et l'espace...
C'est ici que l'on rejoint donc ce Perinde ac Cadaver, dans une optique, il faut croire, religieuse et isolationniste à souhaits. Mais aussi et surtout : une expérience.

Nemo liber est, qui corpori servit
(N'est pas libre celui qui de son corps est l'esclave)

 - Epistoloe Ad Lucilium (XCII), Sénèque

L’œuvre commence donc sur cette phrase, titre de la première chanson qui nous durera un bon quart d'heure.
Et c'est là que l'on commence à être dérouté. Tout commence comme une ascension directe - mais douce. On monte... on monte encore, on ne sait pas si ça va s'arrêter tant tout parait grand et le noir sans limites.
Entre psychédélisme électronique façon Berlin School, et Dark Ambient profond, PaC transcende le genre sous ses airs de déjà-vu. Le thème du cosmique ou de l'astral, rares sont ceux qui s'y risquent. L'optique ici est très proche d'un Darkspace, mais aussi de l’ésotérisme bizarroïde de Yoga. La voix qui apparait après quelques minutes comme une liturgie d'un autre plan (on en sait pas plus sur ce qui est chanté, la cover est minimaliste à souhaits!) est noyée de reverb et légèrement pitchée, façon (witch) house, ce qui ne fait que renforcer un éclectisme déjà forcené. Une rythmique pulse en arrière-plan, comme le battement d'un cœur... comme la pulsation de l'univers.
Un testament musical sorti du futur, et que l'on trouverait dans les poubelles d'ici trois-cent ans que ça ne m'étonnerait pas (ceci est un compliment).
Fricoter avec le minimalisme, le black metal (j'en trouve étonnement dans la fin de cette chanson... allez savoir pourquoi), le dark ambient, l'electro klaus schulz-ienne... Mais aussi avec le Stoner/Doom. Parfaitement. N'oublions pas que ce courant est né de rythmiques hypnotiques et répétées très space rock '70.
Ces relents de psychédélismes saturés dans un Electric Wizard, les voilà revus comme Aluk Todolo l'a fait en un tout autre genre sous le signe de son black metal primitif, au jour d'un mélange des plus épurés.

Non est ad astra mollis e terris via
(Il n'est pas de route aisée de la terre aux étoiles) 

- Hercules Furens, (Tragédies), Sénèque

Et effectivement, cette piste est bien plus difficile d'accès. A la fois plus calme et plus angoissante, elle semble évoluer lentement dans les sphères du temps, comme un liquide coulant dans les deux sens. Et, seul, perdu au milieu, sorti par inadvertance du courant, vous voilà. A quelques minutes de la fin du voyage, vous voilà perdu sans retour possible - ou du moins aisé!
Seconde partie touchant plus à une structure La Monte Youg-ienne, sobre et pourtant ruisselante de mystères qu'il est difficile de percer. On croit la structure de la chanson simple, mais elle n'en est que plus retors et labyrinthique.
Là encore s'invitent des sonorités proches des explorations d'Angus McLise s'il s'était épris d'un trip cosmique.
Éternelle ritournelle aux métamorphoses douloureuses, fricotant avec une noirceur sans limites - ou une luminosité aveuglante. Tout dépend de votre imagination. Mais, pour sur, c'est un OVNI qui cache bien son jeu.

Et voilà le résultat...
A écouter et réécouter, car se perdre dans les méandres de cette chose est, effectivement, une expérience - organique - à vivre.

Sortie chez Tour de Garde
Support the fucking underground plague.

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