vendredi 13 juillet 2012

† MISERY † - Miséricordes


Tout s'affole, dans le village. Avec une lenteur crispante, comme si tout ce qu'on subissait était inaltérable, mérité. Le Châtiment, on nous a dit.
Le Châtiment...
Je ne sais pas trop ce qui leur est arrivé, mais tous ou presque se sont accrochés comme des guirlandes pendant aux arbres de leurs jardins. Les autres sont couverts de bubons. Les animaux ont fuis, comme s'il y avait un feu. Les enfants ont criés - mais on ne sait jamais trop pourquoi.
Seigneur, pourquoi pas moi ?!
J'ai l'impression que le vert des feuilles, est noir. Que l'ocre de la terre, est noir. Jusqu'au rouge qui s'écoulait dans mes veines, tout est devenu atrocement sombre. Les ronces qui bordent habituellement les chemins se sont ramifiées comme des mains rampantes écorchant le sol. En haillons, durcis par la boue et eux-aussi noircis, mais par le charbon, je m'entaille les pieds sur les pousses de roses. Écloront-elles seulement un jour ?...
Je me mets à courir, les pieds sanguinolents sur les épines, mais qu'importe. Je veux m'éloigner de la peste.

La nuit, pour seul campement, un tronc creux encore debout. On aurait dit certain des corps que j'avais croisé. Évidés. La peau rugueuse, pustuleuse comme de l'écorce. Je m'endors, la tête sur un bourgeon mort, et les yeux vers le ciel. Ou plutôt vers le sommet pourri de la souche.

Les champs étaient devenus des mouroirs, et ça puait à des kilomètres. Dans mon pays, on dit que celui qui aime bien châtie bien. Je crois que celui qui sème ces malheurs sur nous aujourd'hui, nous a toujours maudit.
Mon crâne... oh mon crâne... et voilà un village. Toujours cette sale campagne.
Reprends-moi. Reprends-moi...
Au milieu de la rue, adossé contre un mur décrépit, je m'enfonçais des mottes de terre dans les plaies pour donner à mon corps un relief semblable à ceux des pestiférés. Je me suis dirigé vers l'établi du forgeron, pour me brûler au fer rouge et imiter les mutilations de l'affliction.
Regarde! Je n'ai pas leurs furoncles mais en voici d'autres qui paraissent sur ma chaire ! Reprends-moi... je t'en conjure seigneur...
Et puis ils sont arrivés comme un chœur maudit. Ces grands oiseaux tirant des charrettes pleines de corps. Et ça criait, et ça criait, comme si l'Enfer s'était installé sur nos terres. Les estropiés et leurs voisins aux pustules de la taille d'un oignon, tous avaient le regard perdu dans la ligne bleue des Vosges.
"Prenez-moi, prenez-moi !"
Je n'arrivais plus à aligner deux mots, la faute à la douleur.
L'un d'eux m'a approché, les orbites vides. Il m'a tâté d'un bâton, a fait un signe de tête à ses comparses.
Me voilà dans la charrette, à demi-vivant à demi-mort, mais bien décidé à, moi aussi, perdre mon regard dans la ligne bleue des Vosges.


† MISERY † est un projet Doom Metal étrange et rêveur de Thomas Bel, poète et musicien de Toulouse.
La tape limitée à 44 copies est sortie BLWBCK pour 7€ ! (killer packaging!!!!!!)
Je vous invite aussi à vous rendre sur le blog du projet, aka Fille de Misère !

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