mercredi 30 janvier 2013

Deathstench - N.O.X

"Ascend in the flame of the pyre, O my soul! Thy God is like the cold emptiness of the utmost heaven, into which thou radiatest thy little light.
When Thou shall know me, O empty God, my flame shall utterly expire in Thy great N. O. X."
— Liber Liberi vel Lapdis Lazuli, II:39-40

Alors que tout le monde s'étripe et tente d'étouffer le webzine adverse de ses entrailles à vif en faisant des chroniques du nouveau Deathstench (j'ai nommé Massed In Black Shadow), à cela je préfère m'atteler à la demo N.O.X.

N.O.X - la Nuit de Pan, le dévoreur, le géniteur, aux yeux de biche, cornes diaboliques et phallus comme une fougère dressée. D'aucun disent que les Dieux ne sont que mythes. Mais devinez avec qui j'ai dansé : Le grand dieu Pan est vivant!
Il est celui qui au cœur des forêts donne vie et la reprend, sans broncher, sans remords. Sa nuit sous la canopée est si extatique! Quand bien même je l'eusse voulu, je ne puis en révéler tous les secret ! Soudainement sentir le tout, toucher l'absolu, déchirer l'ego et embrasser le phallus mundi / Sex magick!

Vomit out the heads of scorpions and live sulphur, mingled with poison. Oxex Dazis Siatris !

La violence naturelle, sexuelle presque, des éléments déchainés - la nature s'embrase comme le ferait un kamikaze déjà prêt à renaître par l'utérus de MAA. Le metal noir acousmatique se fond à la tempête de noise dans une mélopée de cris étrangement divins (effrayants!).
Je me trouve être dans chaque goutte de la tempête, et elle n'en est que plus forte, plus implacable et malgré la destruction engendrée j'ai l'étrange sensation de donner vie. Mon eau détruit, puis ranime.
Soudain le chtonique me capture et s'annoncent les profondeurs terrestres, lentes et sûres. D'autres mondes invisibles à l’œil humain, autant d'architectures impossibles et malades, de piliers rocheux si grands et mystérieux qu'ils relèveraient sûrement plus de la paléontologie que de la simple géologie. Les piliers de la création mêmes, sous terre, vibrants, m'observant. Et dans ma nervosité incontrôlable soudain - je cours et descends encore plus profondément en direction des abîmes. Dans les gouffres phalliques inversés, ou la vie à pris d'autres chemins, inimaginables et terrifiants, dans les méandres du qlippoth, se trouvent face à moi les mystères les plus effarants et effroyables pour un esprit tel que le mien. L'hypnose elle-même prend flamme - les dieux me fatiguent - et je nide parmi les serpents et le venin.

Composé de Darea Plantin (orchestra of field recorded demonic possession) et de John-Paul Whetzel (vocals and guitars), Deathstench mélange Black, Noise / Death industrial et Doom, rendant une musique opaque, transpirant l'occultisme et la magie ancienne. Inspiré par le travail de Crowley, N.O.X est un genre d'étude musicale sur la nuit de Pan, la mort de l'égo et la fusion avec le Tout (disons l'Ātman, dans l'hindouisme). Une certaine énergie sexuelle se dégage de la cassette - bien que je ne sache absolument pas pourquoi.
Le voyage est aussi éprouvant que surpuissant, et c'est une grande œuvre que je conseille ardemment à ceux pour qui Tele.s.therion est le moment détente du soir. Le projet me fait aussi (une fois de plus, allez savoir pourquoi) beaucoup penser à Coil.
Si vous appréciez la noirceur, les incantations et la musique extrême, courez, tristes âmes, ruez-vous sur cette nuit et laissez-y se noyer votre être entier.

Sorti sur le label Zeitgeists (une merveille aux éditions démentes) - ltd.50 - sold out.
TULAR EISNA SATH!

samedi 26 janvier 2013

Caméras Animales (VA) - Sonopsies

"Je te dis bienvenue au paradis.
Je te dis bienvenue au paradis.
Au paradis des robots."

Échantillon décalé d'horizons musicaux variés, Sonopsies passe notre belle, rassurante et idéale société au test infaillible de la révolution sonore.
Il n'y a plus de temps : le temps, c'est fini. Cet avenir dystopique que nous avions coutume de lire étant plus jeunes, rien ne sert plus de l'attendre puisque nous y sommes. Les trois pieds dedans, à se convaincre nous-mêmes que oui, l'humain, oui ! Il est là l'humain, il s'est levé et a porté le feu, l'humain. Tellement humain qu'il est réduit à un simple numéro et n'a comme seule valeur que sa capacité à obéir, assimiler, puis oublier. Mais certains circuits transmettent parfois mal les informations, les envoyant directement aux cerveaux, de manière brute et presque impossible à remettre en ordre. Outrepassant alors la phase "PROPAGANDE".

Nous voilà donc dans les couloirs, non du Ministère de l'Amour, mais de chez Caméras Animales. Le QG de la résistance mutantiste déborde de glitch, de fidèles allumés récitant des poèmes épileptiques, et d'une lumière blanche aveuglante un peu crade, rappelant l'atmosphère d'une salle d'autopsie. L'un d'eux semble un habitué, toujours à courir partout (il me fait penser à ce clown sur la pochette d'un disque de Mr.Bungle), ils l'appellent "M.Savant Stifleson". Toujours avec une tonne d'objets bizarres sur lui, qui font un boucan funky du diable! Je le suis quelques instants avant de tomber dans une salle où se relayent quelques humains aux prothèses mécaniques jetant en pâture chacun leur tour des suites de mots. Ils torturent la langue, crachent la poésie comme un caniveau vomit ses eaux, assemblant presque numériquement leurs dires. Un répliquant quant à lui, s'amuse à retirer ses puces à la pince. Le froufrou des feuilles de métal sur son exosquelette est, je dois dire, plutôt joli.
L'ambiance marginale jusqu'aux ongles, mélangeant technologie et bestialité, instincts primaires et améliorations physiques et mentales, fleure bon le terrorisme musical. Comme une seringue à travers le tympan, qui vous répand dans les synapses les bases de leur Manifeste. Le Mutantisme.

"Les être humains sont poéticidés et invités à vivre et penser comme des blattes. Soldats perdus d'armées dissoutes, les mutantistes sont ceux qui survivent aux aérosols poéticides dans une société de vendeurs, de publicitaires, et de consommateurs"

Il faut que les caméras SAIGNENT.

Ce qui émerge de l'abîme
peut prendre forme violente,
et conquérir la moitié du monde :
à l'abîme le mal retourne.
Déjà règne la peur,
les despotes sont perdus
Et tous ceux qui dépendent de la force mauvaise
doivent aussi connaître la mort.

L'espérance
L'heure est venue où je retrouve,
mes amis assemblés dans la nuit,
pour le silence sans sommeil,
et le beau mot de liberté,
on le murmure, on le bredouille,
jusqu'à la nouveauté inouie :
sur les degrés de notre temple
nous le crions dans un nouvel enthousiasme :
Avec conviction, à haute voix : Liberté !
Modéré : Liberté !
De toutes les extrémités avec un écho : Liberté!

         - Goethe (Le Réveil d'Épiménide, acte II, scène 4)


Caméras Animales est ce que je qualifierais de collectif militant. Dans l'ombre, et le silence, à travers les pierres et surtout dans vos yeux et vos oreilles (éditions / label), ils agissent, à la fois ancrés dans le contemporain, tout en en étant extrêmement décalés, à penser comme une humanité résistante de demain à leur manière. Sonopsies ("autopsie sonore") est une compilation regroupant divers projets - de tous types, mais toujours sur une optique déglinguée / dans un univers très similaire. Beaucoup de spoken word (la manière qu'a Méryl Marchetti de scander sa poésie me fait beaucoup penser à Luchini), d'ambient et de rock / funky / électronique, si ce n'est du punk. On retrouve d'ailleurs Ichtyor Tides dont j'avais déjà parlé ici-bas.

Comme ce serait les dénaturer que de résumer de telles pensées, je vous invite à lire la version 1.0 du MANIFESTE MUTANTISTE (que Mushin lit et met en musique à merveilles dans Sonopsies).
Est-ce punk ou seulement réaliste ? De l'anticipation ou le moment présent ?
"Le passé, c'est maintenant."

jeudi 17 janvier 2013

The folk arrows

A freak and apocalyptic folk slice

mardi 15 janvier 2013

Saåad - Orbs and Channels

- Have I gone mad ?
- I'm afraid so, you're entirely bonkers. But I'll tell you a secret. All the best people are.

Une fois de plus je me dis que les rues à peine éclairées par les réverbères la nuit ressemblent à la mer. Des vagues à l'âme sous chaque pas et les trottoirs qui déferlent. Je me sens happé, et mouillé par cette pluie lourde qui s'écrase sur sur moi. Mon nez embrumé par son odeur plombée de concassage nuageux. Je déserte, seul dans la ville. Sous les pavés il n'y a pas la plage. Sous les pavés, le béton armé. La plage n'existe pas. Je suis juste perdu dans le temps. Un siècle en retard. Une photocopie photocopiée, sabordée. Je perd de l'éclat de jour en jour. Je veux voir les étoiles depuis sous l'océan. Deux choses que je n'ai jamais pu observer.
Et puis merde. Un whisky. Double-glace.

Je peux encore sentir le charbon dans l'air, celui de la Grande Époque Industrielle. Tout ça a été remplacé par les fils haute-tensions et leur musique décharnée. Écouter ça, c'est comme écouter le poste de radio d'une voiture inondée. Ré-imaginer tous les sons et les airs sous les lampes des portières.

J'ai du bhut jolokia qui coule dans les veines. Comme votre sang, il est rouge, c'est à s'y méprendre. Du coup, je bouillonne sous l'eau, enfermé dans mon taxi, sous le bitume. Les poissons nagent paisiblement autour de mon ascenseur sous-marin de fortune. Je sais pas trop où tout ça descend. J'espère ne pas trop ressembler aux scènes classiques de ces films d'action où le héros s'en sort toujours. Enfin ce que j'espère surtout le plus, c'est que les vitres ne vont pas céder tout de suite. J'aimerais m'asphyxier dans mon propre carbone avant d’accueillir la mer dans mes poumons.
Je pourrais nager la brasse, avec l'élégance d'un batracien, jusqu'à la surface.
Et puis après ?
C'est bien moins cinématographique...



Saåad (dont j'avais parlé entre autres ici) est un duo d'ambient expérimental de Toulouse, livrant ici un Orbs & Channels très spécialement nocturne et aquatique. Tout comme Greyghost, c'est à écouter à midi ou minuit, en se laissant porter par les roulis des longues plages aériennes. Une sortie au panache peu commun pour de l'ambient, qui laisse rêveur, avec une seule envie :  retourner percer les mystères de cet étrange monde qui a niché dans notre crâne lors de l'écoute.

Sortie le 29 janvier chez Hands in the Dark, un label non pas rouge mais français !
Détails / Pré-commande / Commande ICI

lundi 7 janvier 2013

KILLL - KILLL

Are Mokkelbost et Espen Hangård sont deux noms qui devraient vous parler - mais qui très certainement ne vous disent rien quand bien même vous tendez l'oreille. D'une part car un nom ne parle pas, mais surtout parce que derrière ces jolis apparats nordiques se cachent Single Unit et Altaar, noms qui cette fois doivent faire vibrer votre lobe temporal latéral. Eux et deux autres fous s'associent, et voici venu le temps, non pas de l'île aux enfants, mais de l'une des plus grandes boucheries de l'histoire de la Norvège.


Voici une crise d'épilepsie façon maison, et en direct s'il vous plait - mes aïeux, il s'agit ici d'un live ! Pourtant ne comportant que les bases classiques du Metal (guitares, basse, batterie, synthé), à la sortie, plus rien d'un nième groupe de Death / Black. C'est la terreur, la grand Peur! Un gigantesque coup de tatane dans les cervicales d'un gentilhomme qui n'avait pourtant rien demandé de tel.
Cette alchimie aussi puissante qu'extravagante brisera la canne des plus vieux et les jambes des plus jeunes. C'est même tellement écrasant que la chose procure à la première écoute l'effet tube de dentifrice : cette sensation étrange qu'est celle de se faire écraser par un rouleau compresseur. Votre tête fera office de bouchon, parée à sauter pour laisser s'échapper les organes pressés par le rouleau comme vos doigts sur le tube. La grande différence entre KILLL et ce tube de dentifrice au sort peu enviable est qu'au lieu de s'écouler sur une brosse à dents, celui-ci s'écoule partout, sans discontinuer, en prenant pour épicentre du séisme qu'il provoque votre mince cervelle. Là où l'on pourrait trouver un autre point commun avec le tube de dentifrice, c'est au niveau de la fabrication. En effet, le style "cascade de sons" de notre raffiné quatuor trouve son alter ego dans la production industrielle en chaîne de notre pâte fluorée préférée. Tous deux se délivrent par flots, de manière oppressante et calculée, sans que la question de compromis n'ait même besoin de se poser. La violence froide indus apposée sur un Death Metal bon pour les dents.

Alors voilà, KILLL c'est une moissonneuse-batteuse sous acide.* Les rythmes tantôt Dødheimsgard-iens tantôt cotonneux comme un feat. de Darkspace sur le Loveless de My Bloody Valentine (RID), c'est bien joli pour se remettre notre nuque pétée en place après trop de headbang je vous l'accorde, mais quid d'Are Mokkelbost et de tout le bordel qu'il trimballe ? Car du coup, non content de faire couler le maquillage de votre chérie et de forcer votre voisin croyant-pratiquant à fuir dans son bunker en Suisse, le bougre de monstre est tartiné d'un tel synthé qu'il t'en pousserait Jean-Michel Jarre au suicide. Il faut dire que le groupe n'est pas non plus dénué d'humour. Malgré l'hybridation flippante qu'ils ont créés, les norvégiens s'amusent comme à faire un Expo '70 violé par du Death Metal, à placer un genre d'orgue religieux sorti de nulle part,  ou encore à  terroriser la foule avec leurs stroboscopes de drogués... il y a de quoi faire.
La machine rampe, les gestes saccadés et des-humanisés par quelques aliens tout droit sortis des années '50 aux pistolets laser bien accordés. Tout ce bordel là nous regarde et sourit, et nous aussi, on sourit, crispé, captivé, tétanisé. WAL, avant-dernière chanson, est le blast primaire qui souffle vos organes pour de bon. C'est les oreilles ensanglantées, mais aussi la bouche et les yeux rouges, que l'on termine l'album. En souriant, qui plus est, du trip drôlement malsain et extatique que délivre KILLL avec cet album d’anthologie.

* : Attention, name-dropping intempestif
KILLL ressemble en fait à un Shining (le groupe de "jazz", norvégien lui-aussi) avec, bien-sûr, leur propre patte. Les relents électroniques sortis de chez Single Unit sur fond de metal hypnotique et minimaliste font mouche, laissant une musique carrée et réfléchie où l'aléatoire garde tout de même ses droits.
Le personnage de Mokkelbost vaut aussi le coup d'oeil, voici une interview sur killl.org

Merci à Aes pour cette découverte, de qui je reprendrai ces mots pleins de sagesse :
"KILLL, ça tue."