lundi 25 février 2013

Law of the Rope / Crown of Bone - Split

"Puis je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème."
(Révélation, 13:1)

Tout s'est inversé et les pluies de feu, les torrents démentiels de bruits s'abattent sur les têtes, décapitant par les ondes les vivants. La danse macabre comme d'une basse rebondissant et écrasant les crânes à chaque note, le souffle infernal du Dragon auquel se mêle une prière décharnée, incapacitante, fascinant l'ouïe des hommes. Les icônes une fois de plus brûlées, les valeurs reversées, ils rouvrent les cicatrices qu'avait provoqué l'âge de suif. L'herbe verte ne flambait plus mais aveuglait, rougeoyant sous sa couverture de cendres grises.

La cacophonie abrupte semblant être une lente machine à exploser les âmes continuait à se rire des hères terriens ; et la chose exhalant la condamnation se faisait saigner les lèvres dans des litanies infâmes. Le caractère opaque et inexorable de cette danse macabre n'étant en réalité qu'une façade - déjà insoutenable, l'horreur arriva lorsque l'immonde trompeur qui s'arrachait les cordes vocales revêtit sa couronne d'os.

Les visions de ténèbres et de sévices envahissaient soudain, plus réelles que le physique, les champs, les villes, se soulevait arrachant les arbres, déracinant les oiseaux qui, voletant, finirent broyés sous un flot de déraison funèbre. La représentation infect et maladive s’amorça en moi lorsque je fus obligé de boire à dans la coupe ensanglantée que le puant menteur me tendit. Alors, au milieu du chemin de notre vie, je sus que les neuf cieux n'étaient créés pour moi. Agonique, je peinais à ramper sous des océans d'os et de chaire putréfiée, sur lesquels les derniers hommes devinrent trop vite lépreux - se grattant jusqu'à ce qu'os s'en suive. Je rampais sous une puissance supérieure, mauvaise par essence, chaotique, sachant pertinemment que son aura nauséabonde m'avait d'ores et déjà perverti. Mes forces comme ma glotte m'abandonnèrent et je projetais alors l'intégralité de mes boyaux parmi les cendres, le feu et les crânes ornés de diadèmes.



Law of the Rope est bien connu de ceux qui recherchent la bizarrerie musicale. A la croisée de la noise et du black metal, le groupe au chant plus que malsain rebondit de toutes part, tantôt plein de reverb, tantôt lancinant et oppressant. La partie du split se rapproche ici d'un dark ambient blackisant, hanté, grésillant comme un mausolée de fer rouillé. Je découvre avec ce disque Crown of Bone, la partie la plus terrassante, où la power noise se mêle à de la power noise encore plus violente. Une partie extrême, possédée, et réellement dérangeante - bien plus que vous ne l'imaginez. Un split que je recommande aux amateurs de T.O.M.B., et d’extrémisme auditif (ce split est une perle du genre!)

Pro-Tape ltd.200 avec un artwork de Mories (Gnaw their Tongues) chez Crucial Blast !

samedi 23 février 2013

Le Caveau de l'Empereur IV

Toi là.

Oui, toi, en train de me lire, bien planqué derrière ton écran. Tu veux te faire du mal ?
Tu veux te dégommer la tête ? Tu veux réduire ton cerveau à l'état de bouillie sanguinolente, et crever dans d'atroces souffrances après avoir subi d'innombrables sévices auditifs ?
Alors tu tombes bien, car aujourd'hui, l'Imperatør ne te proposera que calme et volupté.
Douceur et sérénité. Un apaisant voyage au delà des barrières du monde physique.

Tu es frustré ? Tant mieux : l'effet relaxant de ces quelques albums sera grandement amplifié.
Allez. Clique.
Maintenant.

jeudi 21 février 2013

Herukrat - Triple-Bodied Hecate

Si l'afflux sinistre et sombre ne vous affole pas, alors malvenue en ces terres - ou plutôt ces lunes et cratères puisque nous parlons de la déesse Hecate. La divination et la sorcellerie, prêtresse fuligineuse des Enfers sordidement liée à Médée, au triple-corps.

Le bruit sourd, écrasant, bactériologique agresse sensuellement les sens jusqu'à l'orgasme brûlant et moite. Aucun soulagement, seulement les flammes dans le ventre et la peur - les muscles raidis, la nuque contractée, le sang pulsant et giclant sur les murs. Tout ça dégouline, à la fois humide, dur, saillant, et loin d'être rassurant. Une énergie brute et orthodoxe. Un venin malicieux comme les yeux d'une belle-de-rêve, ou de-nuit, un tantinet haineux. Passionné, par vagues, grésillant et assourdissant comme deux galaxies qui s'entrechoquent.

Le vide. Total, béant, que mon regard attise, et qui m'appelle. Qui me susurre de le rejoindre. Quelques appels du tréfonds de cet enfer charbonneux remontent. Ce néant froisse des paroles, des chants abîmés me priant d'arrêter de bouger, de stopper et de perdre la vision. Le noir me fascine, et c'est alors que je le fixe qu'il se métamorphose. Un côté sablonneux, compact, et comme une fleur qui fane le trou virait au jaune. L'inavoué. L'inavouable, je l'avoue, ressurgissant en ces lieux comme en une frêle damoiselle. En son sein apparaissent des vagues, écumes, embruns, sirènes à la chevelure de chaînes. Ici résident ces femmes entourées de barbelés, ces êtres et passions maintenant au grand jour - arrachées littéralement de ma tête par cet anti-tout. Ma cervelle déjà éparpillée, cet interdit de sauter me fusille à présent. J'ai la poitrine qui fume. De noir le vide est passé rouge. Comme la figure d'un enfant.



Herukrat et ce Triple-Bodied Hecate donnent une impression de sexe spatial sur du bitume chaud. La Harsh noise "orthodoxe", restant audible voir agréable, va et vient par vagues, se noircissant de plus en plus (de la chanson White à la chanson Black). L'annihilation de tout ce qui vous entoure soudain. Lorsque vous fermez les yeux c'est le monde qui s'arrache comme un papier peint, et qui brûle d'une flamme grise. Court, intense, entre mécanique et animal, le rite (peu orthodoxe en réalité) se plaint, est bourré de souffles, de cris inhumains et de bruissements sur-saturés. C'est comme ça que devrait sonner plus souvent la harsh noise.

Streaming intégral sur le bandcamp et possibilité de vous faire plaisir gratuitement chez Svn-Okklt !!

mardi 19 février 2013

Spektr - Cypher

Tout n'est qu'une question de cycle. Les saisons maussades qui meurent pour ressusciter plus vives et sans fatigue. Les lunes et les soleils, la bile et les joies. Les souvenirs que chaque nuits je vous injecte.

Les arcs-en-ciel glauques vomissant l'exutoire, les patients déformés qui défilent en attendant la réincarnation. Le cycle infernal de damnés copulant dans les ronciers au vert peu accueillant, suintant de tels flots de sang qu'ils en eurent donnés la nausée au Comte de Gernande. La cinquième dimension, celle-là même que l'homme ne peut appréhender, est pourtant jonchée de seringues humides. La théorie du tout se ratatine au néant et de l'alchimie d'une cuillère brûlée, l'univers se dilate les pupilles.

Quelques vents de vertu s’immiscent encore entre les ombres naissantes et les difformités nucléaires, comme cherchant une âme à ravager - car tout s'inverse. Le règne de Manea s'annonce, inversant les valeurs et agressant le chevaleresque. Les nuits de béton passées au fond d'églises au parquet de bois grinçant résonnent comme le plus inutile et minuscule des cris depuis la naissance de l'Univers.
MON DIEU, je vous parle à présent ! Je vois ton visage s'afficher dans le cryptage de la télévision.
Il y a TOUT là-dedans, TOUT ! Tu regardes, tu te mets à genoux et tu PRIES.

Le stupréfiant me ronge sans même que je désire un substitut. Taillader par l'infect et détrôner, piller, désacraliser jusqu'à l'étrange extase - l'internement. Les cachets que je crache me laissent un goût infâme dans la bouche. J'aurais voulu ma cellule capitonnée d'herbe grasse et de terre humide, mais impossible. On m'injecte seulement des souvenirs, des rêves, des ambitions si réelles qu'elles en sont diaboliques. Mais ils ravalerons leur relents. Tous, et ils seront forcés de prier la bouche dégueulant leurs tripes d'ombre et de lumière. Car le Royaume des Cieux connaît quelques tourments pour l'âme que seule l'angoisse du vide a jamais osée toucher du doigt.

Le cycle à la moiteur tiède se brise. Mon corps gicle en éclats. Et ils vous tomberont dessus dans l'obscurité. Et personne ne vous secourra.



Si vous avez suivi l'aventure Spektr, alors vous êtes au courant du The Near Death Experience de 2006, rance black metal de France glacial, aux frontières de l'industriel et aux confins de la folie. Le groupe pue le suif, il éructe de l'acide. La bête immonde s'avère ici carrément proche du jazz ! Certaines pistes sont clairement héritées de ce style, tandis que d'autres se rapprochent plus d'un black metal dégoulinant façon Blut Aus Nord, mélangé à un dark ambient poussiéreux sorti de l'hôpital psychiatrique haute-sécurité. Une image ? Un fauteuil roulant flingué à la dérive sur lequel trône un dieu psychotique perdu quelque part dans la cinquième dimension.

Direction Agonia Records pour vous offrir le 12" ltd.150 avec poster en A2
Allez. Fais-le.

lundi 18 février 2013

Henryspenncer - Saturn

Quand tout se chevauche, alors c'est à ce moment que je me sens plus proche du sidéral que du sushi-bar de ma rue.
C'est tout d'abord le métro. Calme, et pourtant incroyablement mouvant. Des nuages de gens passent, s'en vont, repassent, et je ne fais aucune différence entre leurs visages. Je suis perdu dans ces vagues de lumières - qui sont en fait le résultat des reflets des lampes des tunnels sur les portes métalliques du transport en commun. Tout défile et je reste calme. En réalité, en quelques secondes à peine, les lumières stellaires souterraines m'avaient happées comme une lampe un moustique.
En y regardant bien (c'est alors que je suis prostré sur les portes du métro), des canyons se forment dans les creux des portes, entre le caoutchouc et le fer. Aveuglé je sens un odeur de poussière se frayer un chemin dans ma bouche - sûrement seulement le clochard céleste derrière moi. Le métropolitain devient alors un désert, mon désert, je ne veux plus y faire rentrer personne. Je bloque les portes et pris de panique cours dans la rame, change plusieurs fois de sièges comme zappant les planètes. Le désert est glacial. Je flotte. Les gens, en réalité, continuent de passer. Mais le clochard joue de l'harmonica. En fait, nous sommes deux à flotter, à dériver dans les grandeurs nocturnes de la ligne 3 - terminus Saturne.

Il s'est stoppé. Plus personne, cette fois. Plus même l'homme à l'harmonica. Plus de lumière. Plus rien, sauf les banquettes à demi-éclairées et les restes de traces de pas au sol. Je pense être dans la gare. Forçant un peu les portes, je sors, et à peine posais-je le pied au dehors que... rien. Et cette fois, je dérivais vraiment, dans l'espace infini, et m'inventais des monstres et des visages sur la queue des comètes afin de me rassurer.

Je montais la nébuleuse à la tête de cheval! Les éperons (dieu sait comment ils avaient atterris sur mes pieds) dans le flanc du nuage rougeoyant, je n'avais par contre personne à qui dire "pas assez de place pour nous deux, étranger." D'autant que de la place, j'en avais à revendre. Mais ma chevauchée fumée avait un goût de montée des escaliers en direction du Paradis. Je replaçais sur ma tête le chapeau de Céphée en direction de l'étoile polaire. Paré à ma destination finale.
J'allume ma dernière clope et je reprends le métro direction Saturne.
Bon sang de station Gambetta.



Henryspenncer, aka Valentin Féron, livre avec Saturn un vrai conte. Le concept du "space desert" rock n'est pas si dingue qu'il en a l'air puisque d'un certain côté, l'espace est un sacré désert dans son genre. Puis le son, à la fois Stoner qui grésille dans la veine ferrugineuse de Grails et spatial comme un groupe de Drone, ne nous laisse pas reprendre notre souffle une seconde. Après tout, le trajet Terre - Saturne se fait sans respirer. Dans l'espace il n'y a pas d'air. Seulement des rencontres étranges, de la puissance sonore chthonienne et aérienne, de la douceur fuyante et une sacré dose de psychédélisme occulte à la Led Zep'.

Stream et achat sur le Bandcamp de Henryspenncer
Mais aussi chez BOOKMAKER RECORDS. Soutenez ces mecs, ils font un travail de fou et ne sortent que des perles (je vous assure). CD ltd.100 !!

samedi 16 février 2013

Le Caveau de l'Empereur III

Bienvenue chères victimes chers visiteurs pour cette troisième édition du Caveau de l'Empereur.
Au programme ce soir pour vos petites esgourdes avides de musique dégénérée : Ambient neurasthénique, Kosmische Noise nipponisante, Black Metal déglingué et autres expérimentations sonores...

Toi qui lis ces quelques lignes, fais tes prières.

Gnod / Bear Bones, Lay Low - Split

In Gnod we trust.
Après maints étranges méfaits (je pense à The Crystal Pagoda, ou le split avec $&$), le groupe de rock fumé reprend la mer en quête d'invasions cosmiques, et de guitares alambiquées. The Choice of a Nubian Generation est une odieuse rencontre entre Pocahaunted et Swans. Un départ sur des océans d'huile, un calme plat et un navire qui n'avance pas. Des danseurs, aussi allumés que les lanternes qui nous éclairent se trémoussent dans l'hypnose générale. Il n'y a aucune houle. Aucune écume et pourtant, pourtant! nous sillonnons les mers afin de trouver nos anciens trésors. Notre jungle aux langues de flammes ; retrouver enfin cette coupe vide - où souffre un monstre d'or!
Car enfin, face à cet ost stellaire, nous sommes bien mal armés.
Des cavernes, sous-marines habitées par de paisibles créatures, ou des montagnes rocheuses où siègent encore quelques hommes de paille parés à brûler pour un rituel païen. C'est une noyade, céleste ou sonore, mais douce comme la peau de ce sable sur lequel notre navire s'est échoué. Tout est fini. Nous sommes cosmiques. Où que nous soyons, nous sommes immortels.

Le tour de Bear Bones, Lay Low, sobriquet sous lequel se cache un Silvester Angfang des plus en forme. Plus organique, vivant, noisy. Presque Yøga-esque par moments, on croirait que se cachent entre les partitions bousillées du projet quelques être supérieurs, mythiques, et totalement barrés. La partie de BB, LL blob, clique, et scratch sur quelques souffles et murmures incompréhensibles. Malgré cette déconstruction totale ma foi peu euclidienne se trouve un rythme et même une capacité à vous entraîner - si ce n'est vous plonger la tête dans un océan de reverb' cette fois-ci très agité et bouillonnant.
Je le redis, BB, LL blipe de partout, dans des vagues de chaleur, dans des respirations. La captation d'éruptions solaires et d'une vie inconnue en son sein, avant le field-recording de la perte de vos moyens, de vos sens. La capture audio du liquide orangé qui pénètre dans les ventricules de votre boîte crânienne jusqu'à ce que vous en deveniez hydrocéphale. Les os d'un ours en couronne sur votre tête difforme pour la protéger avec les moyens du bord, il est temps de faire profile bas. Car cette seconde partie de l'offrande impose un respect plus royal encore qu'un collier en côtes d'urus.

Gnod, bien qu'un peu faible ici, libère tout-de-même une jolie part de rock ambient et psychédélique. Mais là où l'écoute prend tout son sens c'est lors de l'arrivée d'Ernesto González (éminent membre du Silvester Anfang II) et de son projet Bear Bones, Lay Low. Du neo-kraut mêlé à de la musique électronique parfois proche de la Berlin School : tout cela se couple à merveille, jusqu'à donner naissance à des passages extatiques - notamment sur 'Llévenme con Ustedes' et sa ritournelle de guitare distordue sur fond de choucroute de l'espace. Cette partie du split est un bonheur drogué, fortement déconseillé aux personnes terre à terre.
Mais les contrées de l'autre-monde que m'a montré Bear Bones me rappellent déjà, et je fuis me réfugier dans les couloirs du temps une fois encore. Entouré de marmelade toxique et kosmik.

Tapes noires avec J-card (design par Anya Kuts) - limitées à 100 ex. chez Full of Nothing !

mercredi 13 février 2013

The 'Kaka-Guia' Tape: Psychopomp

Download HERE or HERE

Vous ayant habitué depuis quelques temps à des mixtapes underground, violentes 
- et à autres articles de Black Metal ces derniers jours - 
je me suis dit qu'il fallait absolument changer de manière radicale. 
Abet Cuces a pour but de déboussoler jusqu'à ce que mort s'en suive, après tout.
Voici donc dans une tradition proche de chez WFMU pas moins de dix-neuf chansons des quatre coins du monde. 1h30 de voyage entre la fin des années '20 et nos jours. Entre les beautés africaines, les rythmes catchy de Colombie et du Brésil, et même de la funk japonaise, voici des musiques en tous genres, oubliées, trop peu écoutées.

Un programme Abet Cuces.

dimanche 10 février 2013

A Story of Rats - Vastness & the Inverse

Il est une chose de certaine : un roi-de-rats est impossible à décortiquer. C'est une histoire de totalité. Une dernière œuvre d'art avant de collectivement mourir. Un ultime phénomène, qui ne signifie rien par rapport à l'univers , mais brutalement à son encontre. Un collage anti-cosmique.

Qu'est-ce que l'immensité sinon un amas de particules vibrantes - un immense amoncellement de vide ? Rien, absolument rien. Une galaxie de buée qui se glace et un infini condamné. Au-delà du langage, ce sont les lignes, les vagues solaires, les quasars analogiques qui agissent sur nos pensées. Des géométries que nous occultons, des réflexions que nous n'osons affronter. Insignifiants que nous sommes devenus! Que la nature reprenne ses droits par la voie des rats et de la peste! Pour peu qu'un nouveau flûtiste apparaisse, ces rats nous les mènerons aussi hors de nos villes, en direction du ciel pour qu'ils en grignotent chaque coin et qu'ils volent toutes les étoiles. Par les rats, l'obscurité. La flamme noire brûlera au-dessus de chaque tête. Immortels, ad vitam.

Les créatures de la forêt, comme une meute, d'un seul homme se lèvent et entament leur marche funéraire. Elles viennent tromper l'humain, guérir ses bubons pour lui garantir une éternité damnée dans l'outre-monde. Nous avons trahi les Huldra, et leur peuple en quiétude se dresse et s'accoutre d'ombre - de discrétion. Leurs yeux emplis de gentillesse annoncent la fin de notre monde, et au fur et à mesure que je me sens me dissoudre en fixant cet être à la paix fascinante, le monde entier s'écroule, l'univers se fige et s'annule. La respiration s'arrête, le cosmos n'a pas saigné mais il ne bats plus - et soudain je suis bloqué quelque part dans les courants du temps. Il se présente comme deux longs filets blancs, courant dans deux sens ; de l'énergie pure se consumant dans le néant. Les formes les plus hautes de conscience me côtoient, mais je ne suis à ma place. Je n'arrête pas de me décomposer, avant d’atterrir encore à un autre endroit. Toujours dans le même filet, un peu plus 'loin' seulement. Quelques secondes de révélation avant de me décomposer encore, et reparaître, comme un cycle infini, un oublié de la création. Un damné de l'Immense, un condamné du Minuscule. Je ne puis sortir de cette boucle d'infernale pureté.


ASOR est une hiérophanie. Le travail de Garek J. Drus (Dull Knife), mélangeant orgues lointains, drone, doom/black et vocaux désespérés consiste en deux pièces labyrinthiques et funéraires. Pourtant minimaliste (synthé / batterie / voix), la mixture est emplie d'un caractère auguste, emprunte de magie et de mythologie. Les deux parties sont simplement au-delà des mots. Poussiéreuses, sombres et radieuses, mais par dessus tout : touchantes. Vastness & the Inverse est l'exemple parfait de ce genre d'albums qui ne finissent jamais, mais qui s'éteignent, petit-à-petit, sur le temps d'une vie.
Garek n'est pas ici seul, il faut aussi féliciter Andrew Crawshaw pour son travail sur les rythmiques. Lentes et monotones mais si chargées en sincérité qu'il en est difficile de ne pas hocher la tête à chaque coup de grosse caisse. ASOR pourrait se rapprocher du groupe Alpha Drone - si tant est que ce dernier ait été élevé à l'orgue et avec un meilleur son !
Un sacré voyage plein de méandres étranges qui nécessitent plusieurs écoutes pour y entrer et n'en jamais ressortir.

Je vous invite à passer voir le tumblr de l'artiste qui comporte quelques images intéressantes, ainsi qu'à vous procurer le LP chez Translinguistic Other - mastering par James Plotkin! ltd.300

samedi 9 février 2013

Jachna/Buhl - Tapes

Wojtek Jachna et Jacek Buhl dans un film de Walt Disney ? Certes non, mais dans une souffrance jazz contemporaine.

Bienvenue dans un monde où entre le tonnerre et Buster, je préfère que ce soit Buster qui tonne. Agression de cymbales et crash par baguettes sans levain. Le free s'impose, illogique mais cohérent, prenant et capturant une trompette à en faire pâlir l'instru du Livre de la Jungle - la New Orleans c'est dépassé et les repreneurs viennent de Pologne. Le 'Klub łańcuszka na talerzu' respire de lui-même, en continu noisy. Hyper dépouillé et sans entraves, il repend un souffle tiède. Si bien que le garage prend feu, s'étouffe et les riffs s'échappent dans une impro en non-stop des plus troublantes. Des loops et des paroles échangées avant de s'en reprendre un coup dans les lampions - qui d'ailleurs ont eu aussi cramés.

Un terrain, un champ, dans un garage d'expérimentations lo-fi qui au lieu de se perdre dans le temps viennent se nicher dans vos oreilles cotonneuses. Le duo étrangement instable fait se rencontrer musique des années 1920 avec les folies contemporaines de l'innovation. Un jazz en changement constant, tellement imprévisible qu'on est toujours à courir derrière les notes pour les savourer un peu plus avant qu'elles ne s'évaporent dans la fumée d'un ampli à lampes qui trainait dans le coin. Avec une amorce pratiquement rituelle sur Czarny koń Bruce c'est une Pologne chaude et nocturne que l'on trouve au long de cet amoncellement de vieux (deux ou trois ans seulement...) enregistrements. Toujours à la frontière de la violence et du grand calme, de l'arythmie battante et de la tachycardie symphonique, Tapes est un être volatile qui s'inspire, se boit et jamais ne ressort de votre corps secoué de spasmes dignes d'une transe indigène.
Qu'elle se passe dans une jungle ou un bar, l'histoire sans mots contée par les deux compères sent les vapeurs d'alcool et la contrebassine. L'entrée dans leur monde cuivré se fait sans malaise - c'est une téléportation. Chaleureux sans omettre la puissance émotive du Jazz des origines, l'enregistrement ressorti au grand jour par Marcin Dymiter jouit à mon goût d'un son si magnétique qu'il ferait presque penser à du James Ferraro. Ces gens-là jouent un jeu qui fait parler les instruments, quelque soit leur état.
Encore une fois une offrande de la part de Milieu L'Acéphale (reportez-vous ici et ) qui nous jette un miel free jazz improbable, séduisant comme une belle-de-nuit, et brouillé, délicieusement brouillé. Si vous ne connaissez pas les deux lascars, ils font parti du Contemporary Noise Sextet. L'album est en téléchargement gratuit sur le bandcamp - et je vous conseille en passant les autres disque du duo, qui ont le potentiel de racolage qu'il faudra pour attirer vos vieux os mélomanes !

Le Caveau de l'Empereur II

Seconde édition du Caveau de l'Empereur, qui désormais vous ouvre ses portes chaque semaine pour du viol de tympans, du décapage de neurones, et bien d'autres joyeusetés.
Bref : chaque samedi, la garantie d'une lobotomie gratos.

Oserez-vous cliquer ?

vendredi 8 février 2013

Arbre - I

Le Black Metal forestier d'Arbre est raw, âpre et laisse une odeur de pluie après lui. Totalement nu, dépouillé, mais tranchant - l'Art Noir envahit les bois et s'infiltre dans les airs comme monte un hymne. À la nature cruelle, glaciale, aux vents froids d'hivers français, secs comme un coup de trique. Lui aussi est mordant, mais il a une âme, un âme damnée errante - tantôt dans des champs desolés, tantôt dans des landes à la bruyère gelée et aux troncs déracinés par les tempêtes. Quelques corbeaux s'envolent, rejoignant leurs tanières de brindilles bleuies par la froidure et la neige qui recommence à tomber.

Comme des aiguilles de pins, les notes sont piquantes, et le schéma musical digne de l'architecture d'un arbre mort. Les feuilles au sol, racornies, attendant d'être mangées par un cerf déjà éventré, les tripes rougeoyantes étalées quelques mètres plus loin sous un petit noisetier tentant misérablement de pousser dans cet environnement hostile. Il faut dire que même si cette feuille n'a maintenant plus rien a attendre que sa décomposition en poussière, les intestins du cerfs forment une auréole rouge qui n'a rien de désagréable dans ce paysage d'hiver.

Me cloîtrer dans ma vieille forteresse de bois en instance de moisissure n'est pas une bonne idée et je réfléchis à fuir avec les chouettes et les hiboux, en oiseau de proie, emprunter les ailes d'un metal noir trop longtemps oublié. Le revoilà de guingois, sortant des terres gelées, brisant la glace qui couvre l'humus et herbe grasse, s'infiltrant dans les racines, les écorces. Cet appel au loin dans le gris que les habitants de la forêt entendent et reconnaissent sans besoin même de tendre l'oreille. Il porte des nouvelles : "Le cerf brame, l'hiver est en neige, l'été s'en est allé. Haut et froid est le vent. Le soleil ? Il est bas et sa course tôt finie. La mer même se soulève, la fougère rougeoie et sa forme s'est cachée. Il devient coutumier, l'appel de la bernache. Le froid s'est saisi des ailes des oiseaux. Saison de glaces : telles sont mes nouvelles."

Arbre est un groupe de Black Metal français, aussi discret que raw, à l'ambiance incroyablement froide et à l'expression hivernale surannée. Le projet semble imprégné des saisons froides et de la fête de Yule, le côté encore sombre de l'année, la grande noirceur, dure et poignante. Tout ceci me rappelle l'immense groupe Paysage d'Hiver, dont le son est ce qui se rapproche le plus d'Arbre : pur et lo-fi.
Le premier album est sorti chez Distant Voices et je ne saurais que trop vous conseiller de l'acheter et de le surveiller car nous avons affaire ici à notre Pd'H français - qui plus est le packaging est magnifique.

jeudi 7 février 2013

Fungi from Yuggoth - s/t

Sur des airs enchantés de la Golden Dawn et d'un bon vieil Aleister Crowley débute une folie extra-terrestre, mystérieuse, attrayante, dangereuse. Comme si des tentacules se déployaient, un matin de printemps où quelques oiseaux électroniques chantent dans un jardin aux couleurs acides. Des tentacules parées à vous pénétrer l'esprit, le détruire, et lui injecter quelques occultes et toxiques substances dont je ne voudrais connaître ne serait-ce que la consistance.
L'angoisse se fait sentir, tout comme le froid sec et mordant, paralysant définitivement tous mes membres. Cette chose se trouve devant moi, et je ne peux pourtant poser de mots sur cette dernière tant c'est la concrétisation des peurs humaines ancestrales. Ou plutôt je pourrais y poser des mots, en combattant avec vaillance la neurotoxine qui m'envahit, mais ceci serait vaine action. Le fait est par ailleurs que je ne puis détourner le regard de cette désolation de chaire gesticulante.

Les oiseaux eux-même commencèrent à déglutir, alors que tout se déformait lentement et que les forêts et l'océan semblaient s'animer de manière organique, immonde et spasmodique. Les spores de ces étranges fleures couleur glauque se collaient à moi et entravaient jusqu'au plus petit de mes mouvements. Frétillants et suppurants, les minuscules bestioles végétales recouvrirent mon corps entier à présent nu et visqueux. Seuls mes yeux étaient épargnés de leur bave acide et bleuâtre, à mon plus grand désespoir car je réalisais que Yuggoth n'était pas qu'une simple légende, pas qu'une simple histoire. Quelques réminiscences des sons dont mes oreilles avaient l'habitude se mêlaient à la cacophonie rampante de la planète à la consistance cinema bis.
De ces champignons infernaux qui jonchaient le sol exhalait une musique noise, impossible, extra-terrestre dont la cryptozoologie se réjouirait. Charnelle et cosmique, kraut jusqu'au cœur, grésillante, agréable comme le miel de fleurs empoisonnées. Yuggoth toute entière m'avala alors. J'eus la sensation de vomir mon corps par la tête, avant de rejoindre la flore hallucinée et d'en devenir moi-même une partie.



Fungi From Yuggoth (qui furent au départ des sonnets de H.P. Lovecraft) est un projet de noise, cosmique et acide, aux quintes "black metal" - du moins dans l'esprit. Le rendu est entrainant, très psychédélique et ambient, fantastique voir même Dada.
"Dada reste dans le cadre européen des faiblesses, c'est tout de même de la merde, mais nous voulons dorénavant chier en couleurs diverses, pour orner le jardin zoologique de l'art de tous les drapeaux des consulats do do bong hiho aho hiho aho."

En téléchargement gratuit et légal ici
Co-produit par Diazepam et Lightbulb

samedi 2 février 2013

Le Caveau de l'Empereur I

Bienvenue dans le Caveau de l'Empereur.
Cette nouvelle rubrique hebdomadaire tenue par le grand Imperatør a tout simplement deux buts : l'agression auditive et l'agression auditive. Chaque semaine, cinq stream bandcamp, cinq groupes, le tout le plus cintré possible. Sur ce, je vous souhaite bonne chance.
   

vendredi 1 février 2013

Fanisk - Insularum

Fanisk, c'est une sacrée paire d'énergumène. Alors que depuis 2003 ces jeunes enfants de putain n'avaient rien sorti, les voici dix ans plus tard, directement chez Darker Than Black, avec un Insularum ariosophique comme ce n'est pas permis.

Ce que l'on peut voir tout d'abord c'est - bien que l'on reconnaisse un son proche de Noontide - que les parties black metal sont très épurées. Le tout peut-être encore plus aérien qu'avant (en sachant rester martial, recette magique), un son des hautes-sphères. Au panache incroyable de ce black metal s'ajoute quelques nappes de claviers et une ambiance tellement paisible et emprunte de magie qu'à certain moments cela en devient presque oppressant.
Un Kataxu maniéré et incroyablement noble.

Le côté martial plein de majesté est toujours bien-sûr à rapprocher de ce que le groupe appelle "esoteric art in service of the Black Sun". Comme le disait Deneb-tala dans son très bon article sur Nokturnal Mortum et le NSBM, ne jouons pas la carte de l'hypocrisie ici. Le NSBM a ceci d'intéressant qu'il arrive (parfois) à prendre le bagage du nazisme - de manière sincère ou non - et à en faire un rendu qui laisse totalement sonné. Le principe étant de prendre ce bagage, tant composé de provocation, que de négatif et de positif à leurs yeux pour en faire une chose de finalement esthétique, bâtarde, en quelque sorte tellement inacceptable et utopique que c'en devient presque convaincant.
Fanisk navigue dans ces eaux troubles, livrant un album de Black initiatique aux remous océaniques. Il débute sur un sample de Cobra Verde : "I long to go forth from here to another world" (Kinski). C'est l'annonce d'un voyage ou même d'une transe qui dépasse l'humain. Océanique mais aussi cosmique, Fanisk rejoint le krautrock avec Midnight Odyssey, dans un psychédélisme hallucinant. Certains passages dans Enantiodromia pourraient presque être un hommage façon "kosmiche" à Halo Manash. C'est par ailleurs une chanson extrêmement puissante, propices aux visions et à l'anxiété d'une force peu commune - s'inspirant des travaux de Jung.

Avec les passage acoustiques on se sent renaître dans une Antiquité fantasmée, survoler l'histoire humaine et dès que le Black Metal reprend c'est un éclat de puissance, d'une noirceur brillante qui nous enflamme. Les couleurs, les formes et les sons s’entremêlent avec une rare magnificence, et n'est pas sans rappeler l'esthétique de Leni Riefenstahl, fuligineuse et pure, dans Olympia.
Les échos enivrants ne font que s'entremêler encore plus réalité et mythologie, et dans quelques traits fulgurants, dans un élan inique, nous voici projetés dans un temple dressé à la gloire d'un occultisme ancestral, rassurant mais si... différent de ce que l'on connait déjà.
La musique de Fanisk s'organise dans un triptyque :
Alors que Departure Golden Rose était froide et violente, Arrival Black Lotus est solaire, chaud, divin.
La Golden rose est un symbole de l'invocation de l'énergie cosmique en alchimie, tandis que le Lotus est la renaissance (solaire) et la pureté. Un départ vers les cieux et comme une déification s'opère au court de l'album, un ravage sur-humain dans un chemin de magie et de réflexion dépassant l'entendement.

Le mélange rock progressif, neo-classique, black metal, martial, avec quelques touches symphoniques peut paraître ambitieux mais Insularum est tout simplement l'album le plus majestueux et ésotérique du black metal de ces dernières années, tout en restant discrètement très expérimental et ostensiblement transcendant. Le son marbré, moiré, est simplement parfait, tout est audible et dosé. Ces quelques minutes d'éternité valaient dix ans d'attente.
Une grande expérience éblouissante, abyssale, totale.

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