lundi 22 avril 2013

Unesco Collection - Aka Pygmy Music

Sur Abet Cuces tout se fait sans ménagement, mais non sans raisons. Discrets auditeurs de musique rituelle reconstituée, grands amateurs d'ambient dépouillé et amants du black metal des tréfonds de la terre, une chose est récurrente : la recherche de cette honnêteté, de ce sentiment grisant du contact des forces ancestrales, bien plus grandes que le mince homme. Cette émotion que Robert Plutchik décrit comme un émerveillement effrayant : the awe.

La musique africaine a trop tendance à être assimilée aux percussions, au rythme tribal, certes très important mais bien trop réducteur.
La musique pygmée, et plus spécialement celle de la tribue Aka, est une musique très complexe, par son rythme, son harmonie et son sens spirituel.
Ce peuple nomade d'Afrique Centrale possède l'une des musiques les plus impressionnantes au monde. Tout d'abord car elle ressort d'une tradition orale, basée sur la polyphonie et la polyrythmie. L'ethnologue Simha Arom établira que leur niveau de complexité musicale fût atteint par l'Europe uniquement au XIVe siècle. Ensuite car elle est simplement envoûtante.

L'un des grands point de la musique Aka est le contrepoint. Extrêmement élaboré (à un point proche de Bach, sans ethnocentrisme aucun). L'enchevêtrement des voix et le jeu des timbres forment une musique liée, tissée et de ce fait très agréable car coulant toujours de source - bien qu'elle soit merveilleusement complexe. Qui plus est tout est improvisé, s'axant sur des grilles de séquences mélodico-rythmiques répétées, variées, toutes liées à différentes activités pratiquées mais aussi à la langue [voici un diagramme du monde musical des Aka // une partition transposée en clé de Sol]. En effet, la langue Aka est une langue à tons (fondée sur la pertinence lexicale / grammaticale des niveaux tonaux), ainsi seul une personne prononce les paroles, tandis que les autres accompagnent de syllabes afin que le chant ait une signification intelligible. Mais parfois, tous prononcent des paroles, engendrant alors chants en mouvement parallèle ou déclamation rythmique des paroles. On y entend aussi bien les femmes et les hommes que les enfants, en chœur, le tout alternant entre voix de tête et voix de poitrine.

Inconsciemment, leur musique est régie par un système de ratio (2:3), avec une métrique précise qui fait passer la majorité de la musique d'aujourd'hui pour un amas musical informe et sans rythme. Les bases que Bach a posé dans la musique, les pygmés Aka l'avaient "théorisé" à leur manière depuis des siècles. Le contrepoint chez les Aka, est le départ de la musique.



Les quatre voix d'une polyphonie Pygmée :
- Mo tangole « celui qui compte » : voix qui introduit la structure polyphonique et qui énonce les paroles du chant.
- Ngue wa lembo « la mère du chant » : ligne mélodique simple chantée par les hommes sous forme d’ostinato et partie basse du chant.
- O sese « en dessous » : chant réservée aux femmes, en mouvement contraire à la voix du mo-tangole.
- Di yei « ce qui est en haut » : alternance voix de poitrine, voix de tête à l’aide de syllabes (yodle).

Ce testament audio rend accessibles les chants d'un devin-guérisseur, ceux des rituels de la chasse, ou simplement ceux des jeux d'enfants. Le merveilleux est là, à portée de tympans.

Keep the secret safe and get it here.

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