lundi 1 avril 2013

Découverte : Berlin School et Décapitation

"Looking for consciousness in the brain is like looking inside a radio for the announcer."
- Nassim Haramein

Sur ces valeurs psychonautiques, je présente ici-bas deux découvertes, deux groupes non-signés et n'ayant "rien" sorti mais néanmoins regorgeant d'originalité et de qualité. Musiciens itinérants, déambulant dans d'autres niveaux de conscience, altérés bien-sûr, mais aussi des parts de vies, des histoires imprégnées dans le son comme une entaille gravée dans une grotte. Des photogrammes de nerfs qui se tendent et se détendent, sur et sous tension artérielle.

Le premier ayant retenu mon attention est Riccardo Lucchesi, qui est en réalité une moitié de Perinde ac Cadaver dont j'avais parlé il y a de cela quelques mois. L'électronique complexe aux métamorphoses étrange, semblant répétitive mais sans cesse évoluant, émergeant lentement et immergeant les sens, fonctionne sur les mêmes règles que Perinde. Composition modulaire live, toujours sur un son rond, très Berlin School, proche de Tangerine Dream en ceci qu'il est aliénant tout en semblant parfaitement normal. Les morceaux sont hypnotiques de par leurs lentes structures, agrémenté de plus en plus de nouvelles folies et de nouveaux effets au fil de l'écoute ; l'univers sonore n'a de cesse de s'enrichir. Très Ultramondes dans le style d'imaginaire, en fait - bondé, d'outre-espace et acide. Analogique, psychédélique, aussi proche d'une psytrance que des travaux occultes de Coil, comme sur "Involved in Crime" où le balancement droite-gauche rappelle furieusement le ELpH, bondé de sonorités industrielles en plus, Riccardo Lucchesi se révèle être l'un des grands de la musique électronique de nos jours.

Ci-dessous, "Flourish", issu d'un projet non-abouti (pour le moment) appelé Star Void.


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La seconde découverte est une élévation différente, où se mélangent le sinistre et l'impie. Voici le travail de Dana Angela Perez Marin, lorgnant élégamment vers le Dark Ambient et l'electro-acoustique / acousmatique.

L'importance de cette pièce réside notamment en la dimension historique, si ce n'est sociale, qu'elle transporte. Voici ce qu'explique l'artiste en parlant de cette dernière - car je ne saurais mieux l'exprimer :
"Je travaille depuis 10 ans à Madrid et j'ai fait dernièrement la rencontre d'un indien, trancheur de tête en fuite, qui enregistrait ses cérémonies de tuerie. Il travaillait pour un Cartel. La décapitation est une pratique courante au Mexique. [...] Toute décapitation renvoie à l'histoire de Persée allant chercher Méduse mais aussi au sacrifice de Mishima, le meurtre d'Holopherne par Judith, Salomé et la tête de Saint Jean-Baptiste, les photographies de Joel-Peter Witkin. Les registres du beau, du sublime et du sinistre font intervenir à la fois le sens de la norme et la sensibilité humaine.
La décapitation triomphe de la panique."

Son travail poétique sur toute ce pan de l'histoire prend un sens horrifique - car les enregistrements de cérémonies sont, j'en ai bien l'impression, compris dans cette œuvre de dix minutes. Poétique car la musique joue ici avec les césures, les résonances, le fracas impalpable d'arrière-plan et l'analogique étrange, coupé, du premier plan. Sortes de sons industriels, ici aussi, de field-recordings, de voix en espagnol déclamées figées dans le temps. Une harmonie du crime, surabondante, où chaque note prend racine dans un symbolisme et un engagement. Une réflexion sur l'Eros et le Thanatos, l'érotisme de la décapitation - au final très phallique et humiliante. C'est cette tête, encore pensante, que l'on exhibe à la foule pour que sa dernière vision soit sa famille. Ce symbole puissant, sur lequel à été commis l'irréparable, et son cortège de beauté absurde. Un travail poussé, médité nous est livré ici. Loin d'un instantané, il s'inscrit dans une histoire humaine qui perdure de nos jours. Non dans le courant mais dans l'âme, la Francisco de Goya de la musique ?
Le reste des morceaux disponible est, dans un même ton, très expressionniste. Très passionné.

Voici la pièce "El triunfo de Pan" dont j'ai parlé.

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